Profiter des bienfaits de la nature pèse sur l’état de la biodiversité. Or le besoin de nature et la fréquentation des milieux naturels ne cessent d’augmenter.
L’augmentation du temps de vacances, grâce à l’avènement des congés payés, son étalement sur toute l’année avec le calendrier échelonné des vacances scolaires, et la réduction du temps de travail, a pour conséquence une hausse de la fréquentation des milieux naturels, jusqu’à saturation pour certains.
En 1964, 43 % des Français partaient au moins une fois par an en vacances. En 2015, ils étaient 81,2% (source Insee et DGE).
La France est depuis plusieurs années la première destination touristique mondiale et accueille 90 millions de touristes chaque année (chiffre 2019).
1936 : les salariés français obtiennent le droit à 2 semaines de congés payés par leur employeur. La semaine de travail est réduite à 40 heures. A cette époque les congés payés sont déjà instaurés dans de nombreux pays européens. En 1956, les congés passent à 3 semaines, à 4 en 1969 et à 5 en 1982.
L’augmentation progressive du niveau de vie depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la multiplication des moyens de transport (voiture, car et train longues distances, avion) et leur accès facilité ont également favorisé le départ des vacanciers en nombre.
Qui dit vacances, dit souvent séjours dans la nature : à la mer, à la montagne, à la campagne...
Le tourisme vers les outre-mers français se développe aussi. Les sites les plus attractifs, comme la Pointe-du-Bout à la Martinique, la Guadeloupe, l’île de la Réunion, les Calanques de Marseille ou encore le Mont-Blanc, frisent la saturation.
Urbains à 80 %, les Français ne connaissent pas forcément les milieux naturels qu’ils aiment fréquenter, ni la biodiversité de ces espaces. Il leur est difficile d’imaginer que leur présence peut perturber le rythme biologique de certaines espèces et dégrader la beauté des paysages par le bruit, les déchets et les aménagements touristiques.
Retourner une pierre à marée basse sans la remettre en place lui fait perdre en moyenne 30 % de la biodiversité qu’elle abrite et qui mettra environ 3 ans à se reconstituer. Sous un bloc rocheux, de nombreuses espèces craignent la lumière du soleil.
« Le tourisme a le potentiel de faire énormément de bien ou énormément de mal ». Cette citation de Klaus Toepfer, ancien directeur du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), résume les impacts que les voyages peuvent avoir sur notre planète : bénéfiques pour les vacanciers et l'économie locale, mais souvent néfastes pour la biodiversité. La construction de routes, d'infrastructures hôtelières ou sportives pèse sur les écosystèmes de la montagne, de la mer ou de la campagne.
Le développement des infrastructures touristiques contribue au morcellement des territoires et à la fragmentation de l'habitat des espèces animales et végétales. Elles se retrouvent isolées avec des difficultés à se déplacer et à se reproduire.
Les activités de loisirs rejettent des substances nocives dans l’eau, souvent de façon accidentelle : dissémination d’huile et de crème solaires, fuites de carburant depuis les bateaux, dispersion des peintures anti-salissures des bateaux, toxiques pour la flore et la faune, désherbage et entretien des terrains de sports A cela s’ajoute, dans les sites touristiques, les rejets d’eaux usées par les stations d’épuration, et ceux des bateaux non équipés de stations de traitement.
Les loisirs génèrent aussi des émissions de CO2, principalement par les activités motorisées et les déplacements lors de manifestations sportives.
Le tourisme est à l’origine de 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). La croissance du tourisme d’ici à 2050 aura pour effet d’accroître la consommation d’énergie de 154% et les émissions de GES de 131%. (source ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires).
Des conflits d’usage
L’usage des ressources naturelles peut aussi être source de conflits entre pratiquants, professionnels et habitants. Les exploitants des stations de ski par exemple ont besoin d’eau pour enneiger les pistes avec des canons à neige. Or ces prélèvements portent atteinte aux tourbières et autres zones humides
A la montagne, à la mer, en rivière, en forêt ou dans la nature près de chez soi, les loisirs motorisés ou pas, perturbent et dérangent les espèces de différentes façons.
Les déchets de pique-nique défigurent les paysages et s’avèrent redoutables pour la biodiversité. Certains peuvent devenir des pièges pour la faune. Des particules de plastiques ingérées par les vers de terre entrent dans la chaîne alimentaire. Que dire des feux de forêts déclenchés par des mégots de cigarette ou par le reflet du soleil sur un morceau de verre ?
Sur terre, le bruit des véhicules, en mer, celui des bateaux, dans les airs, celui des tirs et des drones, sans parler des fêtes techno dans les champs, effraient les animaux sur leur lieu de vie, perturbent parfois leur reproduction ou leur repos vital, surtout en période de migration.
Chaque espèce a sa distance de fuite définie. Si elle n’est pas respectée, l’animal est contraint de se sauver. Cela lui cause du stress, une dépense d’énergie, et conduit parfois à l’abandon de sa progéniture.
Une chauve-souris dérangée en hiver par la lumière d’un spéléologue, se réveille et puise dans ses réserves de graisse alors que la saison ne lui offre rien à manger.
En mer, sur les lacs et les rivières, les hélices des bateaux de plaisance amputent ou tuent des animaux. Les animaux forestiers sont victimes de collisions. Dans les jardins privés, les taille-haies, les tondeuses, délogent des oiseaux, réduisent en bouillie les sauterelles, papillons, grillons, lézards…
Le passage répété par un grand nombre de pratiquants entraîne le piétinement puis l’érosion du sol. Lors de l’été 2020, le parc naturel des Ecrins dans les Hautes-Alpes a enregistré 30% de hausse de fréquentation des sentiers de randonnée équipés d’éco-compteurs par rapport à 2019.
Quand elles sont mal faites ou mal régulées, les cueillettes de végétaux, la pêche et la chasse entraînent une diminution importante du nombre d’individus par espèce, voire la disparition de l’espèce toute entière, comme le bouquetin des Pyrénées.
L’arrachage des plantes avec leurs parties souterraines plutôt que la coupe de quelques feuilles ou de fleurs diminue la capacité totale de repousse l’année suivante.
Les loisirs en pleine nature participent à l’introduction d’espèces exotiques dont l’invasion risque d’enclencher la perte de la biodiversité locale. Accrochés aux coques des navires, coincées dans les semelles d’un randonneur, dans le matériel de camping, des plantes aquatiques, des graines, des coquillages, comme la moule zébrée, des insectes, des virus, voyagent depuis leur milieu d’origine et débarquent dans des milieux qui leur sont inconnus.
Du plus bel effet dans les aquariums, des animaux ou des plantes aquatiques ont fini par se disperser dans la nature.
Échappé d’un aquarium, le poisson-lion, originaire de la zone Indo-Pacifique, est aperçu pour la première fois en 1985 au large de la Floride. Dès 2010, il est observé en Martinique et Guadeloupe. Sa rapide invasion dans toute la mer des Caraïbes affecte les herbiers, les estuaires. Son goût pour les poissons juvéniles affaiblit les stocks de pêche.
Les jardins botaniques, les parcs d’acclimatation ont été dès le 18e siècle responsables de la propagation de nombreuses espèces exotiques comme la renouée du Japon. Aujourd’hui le plaisir du jardinage est également vecteur de belles mais invasives plantes d’ornement : herbe de la pampa, griffe de sorcière, jussie aquatique…
D’autres espèces choisies pour leurs qualités nutritives ou sélectionnées parce qu’avantageuses économiquement, ont été introduites pour la chasse et la pêche sans que soient imaginés les risques qu’elles allaient faire peser sur la biodiversité locale.
38 % des espèces végétales d’eau douce introduites en France l’ont été pour des raisons ornementales et 29 % d’entre elles sont des plantes utilisées en aquariophilie.
Des touristes désireux de rapporter un souvenir de leur voyage font passer les frontières à des plantes ou des animaux qui peuvent être porteurs de virus ou de bactéries auxquels la faune ou la flore locale ne résiste pas. D’autres adoptent une espèce exotique comme nouvel animal de compagnie, (« NAC »), puis relâchent ce compagnon dans la nature,
Commercialisé sous le nom d’écureuil de Corée, le tamia de Sibérie est un NAC, qui prolifère dans certaines forêts de l’Île-de-France. Il est suspecté de jouer le rôle de réservoir de la bactérie de la maladie de Lyme qui infecte les tiques.
Trouver la paix en pleine nature pendant que d’autres personnes pratiquent des activités motorisées ;
se promener en forêt lorsque la chasse est ouverte ; nager parmi des déchets de plastique ou dans un eau huileuse ; plonger sur des récifs coralliens détruits ; coincer son kayac dans un tapis de jussies… Il arrive que la nature, source de plaisirs et de loisirs devienne un jour synonyme de stress et de déception jusqu’à perdre tout attrait. En Thaïlande, la plus célèbre plage du pays, Maya Bay, a été fermée par les autorités thaïlandaises jusqu’en 2021 pour permettre aux récifs coralliens de se reformer et ainsi empêcher l’érosion de la baie.