L'artificialisation des sols

Abritant près de 60 % de la biodiversité terrestre, les sols assurent des fonctions essentielles à la vie qui peuvent être altérées de façon quasi irréversible lorsqu’ils sont artificialisés.

Qu’est-ce que l’artificialisation des sols ?

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Route sinueuse dans les Alpilles, en Provence. Crédit photo : David Tatin / Biosphotos
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Définie par la loi Climat et Résilience de 2021, l’artificialisation des sols est « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage. »

Lorsque des opérations d’aménagement sont réalisées (habitat, activités, commerces, infrastructures, équipements publics…), la structure et la composition des sols sont profondément transformées et dégradées, les habitats naturels sont détruits et fragmentés, les paysages sont modifiés.

En France, entre 20 000 et 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers sont consommés chaque année. Ce phénomène se poursuit à un rythme 4 fois plus important que celui de l’augmentation de la population. Près de 8 500 communes continuent ainsi d’artificialiser leurs sols alors que le nombre de ménages dans ces communes diminue. (source : Observatoire de l’artificialisation des sols)

En métropole, ce phénomène affecte notamment les prairies, qui sont des écosystèmes très riches : elles représentent le premier type de milieux détruit par l’artificialisation entre 1990 et 2018 (plus de 55 000 hectares détruits soit plus de 2 fois la superficie de Marseille). (source : Bilan de l’Observatoire national de la biodiversité (ONB) 2021)

Les causes de l’artificialisation des sols

Les déterminants de l’artificialisation des sols sont multiples :

  • l’aspiration des ménages à davantage de surface et à des extérieurs qui conduit à préférer des logements neufs, construits sur des terres jusque-là non bâties, à des logements anciens qui restent inoccupés car ils sont souvent dégradés (passoires thermiques par exemple), peu adaptés et trop coûteux à rénover,
  • la recherche de la plus-value de revente, tant pour les ménages accédants que pour les investisseurs immobiliers,
  • une fiscalité qui favorise la construction de logements neufs et qui pénalise les terres agricoles,
  • un urbanisme commercial, industriel et logistique qui multiplie les aménagements en périphérie des villes,
  • le coût des opérations de renouvellement urbain, forcément plus complexes et plus longues.
Urbanisation de la côte basque et atlantique à Anglet dans les Pyrénées-Atlantiques. Crédit photo : Laurent Lhoté / Biosphoto

Autant d’éléments qui ont jusqu’à présent conduit toute la chaîne des acteurs de l’aménagement à privilégier des modalités fondées sur l’étalement urbain et l’artificialisation des sols.

Les conséquences de l’artificialisation des sols

  • Accélération de la perte de biodiversité : la transformation d’un espace naturel en parking ou immeuble par exemple peut faire disparaitre l’habitat d‘espèces animale ou végétale qui préexistait. Lorsque les habitats naturels ne sont pas totalement détruits, ils sont pour beaucoup fortement réduits ou fragmentés par des obstacles comme des routes, empêchant les animaux de se déplacer, de se nourrir, de se protéger et de se reproduire. L’artificialisation des sols induit aussi des nuisances sonores, de la pollution lumineuse, de la pollution de l’air et de l’eau.
  • Réchauffement climatique : ce sont les êtres vivants du sol qui lui permettent d’absorber du carbone. Or, plus un sol est artificialisé, dégradé, moins il est capable d’absorber du CO2 et plus il participe au phénomène d’îlot de chaleur urbain. Par ailleurs, le desserrement des formes urbaines auquel aboutit l’artificialisation des sols a un impact fort sur les émissions de gaz à effet de serre. L'éloignement de l'habitat des zones d'emplois et de commerce engendre entre autres une hausse de la demande en transports, donc en énergie et de l’usage du véhicule individuel.
  • Augmentation des risques d’inondation : un sol artificialisé n’absorbe pas l’eau de pluie. En cas de fortes intempéries, les phénomènes de ruissèlement et d’inondation sont donc amplifiés.
  • Réduction du potentiel agronomique des sols : leur artificialisation limite de fait la possibilité de les utiliser pour la production alimentaire de nos territoires.

Les objectifs de limitation de l’artificialisation des sols

Sous l’impulsion du Plan Biodiversité et de la convention citoyenne pour le climat, la loi « Climat et Résilience » a fixé des objectifs ambitieux :

  • D’ici à 2031, réduire par deux le rythme de l’artificialisation de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020 (voir Mon Diagnostic Artificialisation) ;
  • D’ici à 2050, atteindre un équilibre entre les surfaces des sols qu’on artificialise et celles qu’on réhabilite/renature, c’est-à-dire un objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN).

A travers les documents de planification territoriale, comme les schémas régionaux, les plans locaux de l'urbanisme et les schémas de cohérence territoriale, l’objectif ZAN dessine une trajectoire qui invite à repenser en profondeur nos manières de construire, d’habiter et de produire dans les territoires.

Il s’agit, en exploitant l’immense patrimoine déjà bâti et en construisant uniquement là où il y a un réel besoin, de les rendre in fine plus accueillants pour le vivant. Une des solutions est de réutiliser voire de réinvestir des secteurs déjà urbanisés (logements vacants, friches industrielles ou commerciales ...) et de favoriser la conception et la construction d'opérations un peu plus compactes qui donnent plus de place aux sols vivants, à l’eau et au végétal.

Dans ce contexte, et selon la Fédération nationale des SCoT, une valeur renouvelée pourrait être accordée dans les projets de territoires aux espaces non bâtis et aux conti-nuités écologiques. (source : Contribution vers de nouveaux modèles d’aménagement)

L’OFB et les solutions pour limiter l’artificialisation des sols

La Trame verte et bleue

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Descente du troupeau de moutons en fin d'été dans le Parc naturel régional du Queyras dans les Alpes françaises. Crédit photo : David Tatin / Biosphoto
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Quand un écosystème étendu est divisé en de nombreux fragments de taille réduite, la biodiversité est menacée. Les populations sont isolées, leur habitat perturbé et de fait, le mode de vie. Comment se nourrir et se reproduire dans un milieu qui n’est plus le sien ?

L’objectif principal de la trame verte et bleue (TVB) est de reconstruire un réseau d’échanges pour que les espèces animales et végétales puissent circuler, s’alimenter, se reproduire, se reposer et assurer ainsi leur cycle de vie, en cohabitation avec les activités humaines.

Afin d’assurer le bon état écologique d’un territoire, les deux composantes de cette trame permettent de former un ensemble cohérent entre milieux naturels et semi-naturels terrestres (composante bleue) et les zones aquatiques et humides comme les fleuves, rivières, canaux, étangs... L’interaction entre chaque milieu crée alors une continuité écologique, elle-même constituée de réservoirs de biodiversité reliés les uns aux autres par des corridors écologiques.

L’OFB anime le centre de ressources TVB afin de permettre aux acteurs de connaitre les bonnes pratiques à mettre en œuvre sur le terrain. Par exemple, la communauté d’agglomération de Maubeuge a choisi, dès 2015, d’intégrer son schéma de TVB à son Plan local d’urbanisme intercommunal. Adopté en 2019, ce document fondamental a intégré la TVB et « invite à repenser la place de la nature dans les nouveaux projets et à rationaliser la consommation d’espace ».

La mise en œuvre de la séquence « Eviter-réduire-compenser »

Cette séquence vise à concilier développement économique et enjeux environnementaux, en constituant le fil conducteur d’intégration de l’environnement dans les documents de planification et les projets d’aménagements du territoire. Pour ces derniers, il s’agit d’éviter toute atteinte aux milieux naturels et aux services associés, à défaut, de les réduire et, en dernier lieu, de les compenser.

Les services de l’OFB sont fréquemment mobilisés pour donner des avis techniques et améliorer ainsi les projets d’aménagement, comme ce fut le cas sur la commune de Cesson-Sévigné.

L'OFB enrichit les outils visant à l'intégration de la séquence ERC aux échelles de la planification et du projet d’aménagement. Il a lancé en 2020 un centre national de ressources en ligne pour faciliter sa connaissance et son appropriation par le plus grand nombre.

La renaturation des sols et les solutions d’adaptation fondées sur la nature

La renaturation des sols est l’une des deux composantes de l’objectif ZAN qui, en milieu urbain, devrait conduire à donner plus de place à la pleine terre, à l’eau et à la biodiversité pour en faire des moteurs des stratégies d’adaptation climatique et de reconnexion à la nature.

D’une vision des sols comme supports de l’aménagement, l’objectif « zéro artificialisation des sols » invite désormais à privilégier une approche des sols en 3 dimensions comme ressources et solutions pour les territoires. (source : « Renaturer les sols, des solutions pour les territoires »)

La renaturation des sols s’inscrit pleinement dans le cadre des solutions d’adaptation fondées sur la nature dont la massification est encouragée par le programme Life ARTISAN piloté par l’OFB.

Renaturation dans le Lot. Crédit photo : Stéphane Vidal / OFB

Les Atlas de la biodiversité communale

L'Atlas de la biodiversité communale (ABC) est un outil essentiel pour concilier aménagement du territoire et protection de la nature. Grâce à des inventaires écologiques, des cartographies et des actions concrètes, l'ABC permet d'intégrer la biodiversité dans les documents d'urbanisme. Cette démarche collective aide à créer des territoires durables, où nature et urbanisation coexistent harmonieusement. L'ABC permet également d'intégrer la biodiversité dans les documents d'urbanisme.

En savoir plus

Les programmes de recherche

Des programmes de recherches spécifiques approfondissent les interactions entre biodiversité et aménagement. L’OFB contribue notamment :

  • au programme BAUM  – Biodiversité, aménagement urbain et morphologie – qui questionne les relations entre densité, formes urbaines et accueil de la biodiversité, 
  • au programme ITTECOP – Infrastructures de transport, territoires, écosystèmes et paysages – qui évalue l’amélioration des services écosystémiques que les infrastructures de transport peuvent rendre dans le tissu urbain.

L’OFB participe plus globalement au développement des connaissances sur la biodiversité des sols qui permettront à terme de conjuguer les enjeux liés à la sobriété foncière et à la multifonctionnalité des sols.

Les dispositifs de reconnaissance

L’initiative « Territoires engagés pour la nature » vise à faire émerger, reconnaître et valoriser des plans d'actions en faveur de la biodiversité portés par des collectivités locales. Dans ce cadre peuvent être reconnus les dynamiques de sobriété foncière initiées par certaines collectivités.

Le concours Capitale française de la biodiversité peut aussi être l’occasion de valoriser les démarches de limitation de l’artificialisation des sols. C’est le cas de la commune de Muttersholz en Alsace récompensée en 2017 pour sa politique de maîtrise foncière et de restauration de la trame verte et bleue sur son territoire rural.

A savoir

Derrière le terme "artificialisation" se cache un phénomène particulièrement impactant pour la biodiversité qui recouvre différentes acceptions. Le choix a ici été fait de retenir celle issue de la loi Climat et Résilience par rapport à la notion internationale de changements d’usage des terres et des mers, c'est-à-dire des changements dans l'utilisation et l'occupation des sols et des ressources liés aux activités humaines (urbanisation, intensivité des pratiques agricoles, installations sous-marines, …).

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