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« Le coq devient fou » : capture, équipement et suivi d’un Grand Tétras à Matemale (66)

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Le 5 mars dernier, des randonneurs en forêt domaniale de Cami Ramader à Matemale signalent le comportement particulièrement familier et non craintif d’un coq de Grand Tétras. Les photos et vidéos de l’observation finissent entre les mains des agents de l’Office National des Forêts (ONF) et de l'Office français de la biodiversité (OFB). Une opération conjointe inter-service en accord avec les services préfectoraux est alors menée pour capturer l’animal, étudier sa biométrie et son comportement, puis le relâcher dans son milieu naturel et procéder à son suivi.

Phénomène connu mais encore peu expliqué, le comportement anormal de certains mâles de Grand Tétras Tetrao urogallus se traduit souvent par son agressivité « coq fou » ou par son absence de toute méfiance et crainte envers l’ Homme, on parle alors de « coq mou ». L’intérêt d’un tel événement pour les services forestiers et de la Office français de la biodiversité est d’étudier puis comprendre cette particularité comportementale.

L’opération de capture conjointe ONF – OFB et bénévoles

Le 11 mars 2021, l’opération est lancée sur le site où les équipes ONF, OFB et bénévoles se sont retrouvées en milieu de matinée pour faire un point sur le matériel et le protocole à suivre.

Une première prospection démarre sous la forme d’une battue en ligne dans la partie forestière inférieure où le coq a été observé pour la dernière fois le 8 mars. Le coq est alors repéré au sol, en pleine parade, à une cinquantaine de mètres. L’approche permet de l’entourer à faible distance mais l’oiseau, resté méfiant finit par s’envoler. L’après-midi, une seconde tentative avec cette fois-ci une approche organisée différemment : un filet de capture de 25 m à proximité de l’oiseau sera utilisé pour faciliter son approche.

Relevés biométriques par les agents ONF et OFB. Crédit photo : Jérôme Aspirot

Entre-temps, le coq se décide finalement à attaquer l’un des agents qui le capturera avec précaution à l’aide d’une épuisette.

L’équipement et la biométrie de l’oiseau

Le coq est alors immobilisé avec soin pour ne pas endommager ses rémiges (grandes plumes des ailes) et sera aveuglé par la pose d’un masque pour diminuer son stress. L’équipe réduite de trois agents manipule l’ oiseau dans le calme et en silence pour réaliser différentes mesures: poids, longueur de l’aile aplatie, bec et la largeur de son crâne.

Des échantillons de plumes et de fèces issus de la capture sont recueillis pour être conservés et analysés. Le coq est ensuite équipé d’une balise VHF posé en collier. Il s’agit bien d’un coq adulte, âgé de 3 ans ou plus, qui sera finalement baptisé Nico.

Le coq Nico retrouve sa liberté

Après une vingtaine de minutes et une ultime inspection de l’oiseau, le coq est finalement libéré sur place en le déposant dans une partie dense du sous-bois, d’où il s’extraira en marchant lentement avant de disparaître.

Relevé de largeur du crâne. Crédit photo : Jérôme Aspirot

Il avait été d’abord envisagé de transférer ce coq dans un secteur du même massif situé à plusieurs kilomètres mais l’option finalement retenue a été de le laisser sur place :

  • l’heure de capture tardive n’a pas permis d’organiser un déplacement important de l’oiseau,
  • le site de capture correspondait finalement à une potentielle zone de quiétude.

Programmation des suivis télémétriques

Les agents de l’ONF et de l’OFB prévoient d’organiser un suivi télémétrique de l’oiseau par contact à distance depuis le fond de vallée avec à minima une observation hebdomadaire pour qualifier l’ évolution comportementale du coq tout en minimisant son dérangement. Sur place, des affiches d’information ont été mises en place proposant aux usagers un contact ONF à n’utiliser qu’en cas de besoin.

Le Grand Tétras, espèce emblématique de nos Pyrénées

Le Grand Tétras, appelé aussi Coq de bruyère, se caractérise par un bec fort et par une caroncule rouge vif (excroissance charnue) très visible au-dessus de l’œil. Son dos est noir, ses ailes brunes avec une tache blanche, le poitrail d’un vert bleu brillant. Sa queue, qui s’arrondit lors de la parade, est constituée de grandes plumes noires parsemées de taches blanches. Il pèse entre 2,5 kg et 5 kg pour les mâles et son envergure peut aller jusqu’à 130 cm.

D’un naturel discret et très farouche, le Grand Tétras se révèle très bruyant pendant la période des amours ou parade au printemps. Les coqs se regroupent sur une arène où ils paradent pour attirer les femelles, les plumes de la queue redressées et déployées en demi-lune. Celles-ci viennent, choisissent, s’accouplent... et s’en vont pour faire leur nid. Les petits, nidifuges, restent avec leur mère jusqu’à l’automne. En hiver, les oiseaux s’isolent, chacun choisissant un arbre. Ils y restent jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à manger.

Le Grand Tétras se nourrit exclusivement de bourgeons, feuilles, graines et baies, mais aussi d’insectes. L’hiver, il fait une grande consommation d’aiguilles de pins et de sapins. Le ski hors-piste et les câbles de remontées mécaniques sont de réels dangers pour cette espèce.

Le Grand Tétras est une espèce extrêmement méfiante et craintive vis-à-vis de l’homme. Elle est très sensible au dérangement.

Elle fait néanmoins régulièrement preuve de comportements que l’on peut qualifier d’atypiques, sinon aberrants surtout observés chez les mâles. Il y a donc un réel intérêt d’assurer la sécurité de ces oiseaux qui peuvent courir des risques particuliers du fait de ce comportement, mais aussi à prévenir des dommages que ces oiseaux pourraient causer (blessures, troubles à la circulation sur une route...).

Coq Grand Tétras à Matemale. Crédit photo : Jérôme Aspirot