Le 9 juin 2023, une étude sur le déplacement des mammifères terrestres pendant le confinement a été publiée dans la revue américaine Science. Cette étude est le fruit d’une collaboration internationale de 174 chercheurs à laquelle les scientifiques de l’Office français de la biodiversité ont participé.
Pendant la pandémie de COVID-19, de très nombreux Etats ont décidé de mettre en place des confinements plus ou moins stricts de leur population humaine pour tenter d’enrayer la progression de la maladie.
Si cette situation inédite a brutalement freiné le fonctionnement de nos sociétés, elle a également été l’opportunité d’étudier les effets de la présence humaine sur les déplacements des mammifères terrestres.
« Une précédente étude (Tucker et al 2018) avait montré que les déplacements des grands mammifères sont fortement réduits à mesure que l'empreinte humaine augmente. Mais, entre la présence, les activités et les infrastructures humaines, il est très compliqué de déterminer ce qui impacte le plus leurs déplacements. Les données permettant d'approcher ces questions sont difficiles à obtenir à large échelle, notamment sur la fréquentation humaine et ses variations spatio-temporelles sur une échelle aussi large » souligne Pascal Marchand, chargé d’études et de recherche en écologie comportementale à la direction de la recherche et de l’appui scientifique de l’OFB.
Pour tenter de trouver des éléments de réponse, 174 chercheurs du monde entier ont collaboré ensemble. À l'aide de données GPS, ils ont comparé les mouvements de 2 300 individus de 43 espèces de mammifères terrestres pendant le 1er confinement de 2020 par rapport à leur comportement à la même période l’année précédente.
« En France, l’Office français de la biodiversité a fourni des données enregistrées par les colliers GPS déployés sur les bouquetins des Alpes dans les massifs de Belledonne et du Bargy. Le Parc national des Ecrins (Bouquetin des Alpes) et le Parc national des Pyrénées (Bouquetin ibérique) ont également fourni des données GPS » précise Pascal Marchand.
Si les résultats varient en fonction des espèces, des pays étudiés et de la sévérité du confinement mis en place, cette étude montre cependant que le comportement spatial des mammifères a été largement modifié. Les distances parcourues en 1h par les mammifères sauvages ont diminué en moyenne de 12 %, suggérant que les petits déplacements réalisés d’ordinaire pour éviter les humains ont été moins fréquents pendant le confinement. En revanche, les distances parcourues en 10 jours, qui renseignent plutôt sur les grands déplacements et la perméabilité des paysages, ont augmenté jusqu’à 73 % dans les pays où le confinement était le plus strict, comme la France. Les mammifères étaient également 36 % plus proches des routes qu’ils ne l’étaient l’année précédente, ce qui révèle l‘incidence du trafic routier sur l’utilisation de l’espace par les animaux.
Selon cette étude, la mobilité humaine est donc un déterminant clé du comportement des mammifères terrestres. Par conséquent, en plus des infrastructures (routes, chemins, etc) qui fragmentent les habitats et réduisent les déplacements, les politiques publiques devraient également considérer le volume de présence humaine dans les zones importantes pour le déplacement des animaux. L’étude démontre également que de nombreuses populations d'animaux sauvages sont capables de répondre rapidement aux changements de mobilité humaine, ce qui ouvre des perspectives positives pour les futures stratégies de conservation et d’aménagement durable des territoires.
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