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Grand Est

Ardennes : trois personnes interpellées suite à la découverte d’un pygargue à queue blanche empoisonné

Police de l'environnement
Espèces

Une enquête judiciaire diligentée par les inspecteurs de l’environnement de l’Office français de la biodiversité (OFB) des Ardennes, en co-saisine avec le groupement de gendarmerie départemental, suite à la découverte le 4 mai 2024 d’un pygargue à queue blanche mort d’empoisonnement, a abouti à l’interpellation de trois personnes.

Le 4 mai 2024, le service départemental de l’OFB des Ardennes est informé par un animateur du Plan National d'Action rapaces pêcheurs, de la mort suspecte d'un Pygargue à queue blanche à proximité d’étangs dans le Sud du département des Ardennes.
L’oiseau, équipé d’une balise télémétrique, avait été dénommé « Michel TERRASSE », du nom d’un ornithologue mondialement connu, créateur en 1969 du Fonds d’intervention pour les rapaces.

L’autopsie pratiquée sur l‘oiseau révèle un empoisonnement rapide par ingestion de poissons recouverts de carbofuran, un insecticide de la famille des carbamates, hautement toxique pour l’environnement et interdit en France depuis le 13 décembre 2008.

Une enquête préliminaire est alors initiée par le Pôle régional environnemental du parquet de Troyes. Les analyses de la balise de l’animal montrent que le rapace est mort en moins de huit minutes après ingestion. Il apparaît également que le Pygargue a survolé à plusieurs reprises les mêmes étangs dans les deux jours précédant sa mort. Des recherches cadastrales ont permis d’identifier le propriétaire et exploitant des étangs concernés, connu des services de l’OFB et de la justice pour des faits d'empoisonnement d'espèces protégées.

Le 2 juillet dernier et au travers d’une opération conjointe, trois mis en cause ont été interpellés et ont reconnu les faits. Outre la destruction du Pygargue à queue blanche et de nombreuses espèces d’oiseaux protégés, notamment de Cormorans, Cigogne noire, Grèbes huppés et Hérons (le moyen utilisé étant non sélectif), ont été retenues des infractions liées à l’usage de produits phytopharmaceutiques, à la chasse et à la législation sur les armes.

Environ 20 kilogrammes de produits insecticides de gamme professionnelle, composés d’une substance active unique appelée « CARBOFURAN », ont été retrouvés chez le principal mis en cause. Cette substance active, très toxique pour la faune, est interdite en France et dans toute l’Europe depuis le 13 décembre 2008. Il détenait également, au même endroit, 20 kg de produits fongicides, de gamme professionnelle, autorisés à la vente et à l’utilisation, mais également très toxiques pour les oiseaux.

Le braconnage et l’empoisonnement des espèces protégées constituent une voie de surexploitation des ressources naturelles, soit l’une des 5 causes majeures de l’effondrement de la biodiversité dans le monde (IPBES).

Depuis plusieurs années, des projets de sauvegarde d’oiseaux protégés menacés ont recourt à la télémétrie afin d’améliorer la connaissance de l’écologie et des déplacements migratoires de certains d’entre eux. Ils permettent également de lutter directement contre les causes de mortalité liées à l’activité humaine, en guidant les actions de conservation. Grâce à un système d’alerte en temps réel, toute suspicion de mortalité d’oiseau équipé est aujourd’hui immédiatement signalée, de sorte que les associations de protection de la nature peuvent rapidement prévenir les autorités afin d’assurer la collecte du cadavre et déterminer la cause de mortalité, à travers la réalisation d’une autopsie, d’une radiographie et d’analyses toxicologiques.

Le dommage écologique, causé par ces pratiques irresponsables d’empoisonnement et de destructions par armes à feu, est considérable pour ces espèces et pour la biodiversité dans son ensemble.

Le Pygargue à queue blanche (Haliaeetus albicilla, Linnaeus, 1758)

Cette espèce est, en France, en danger critique d’extinction. Disparu de France continentale au cours du XIXème siècle, le Pygargue à queue blanche subsistait encore en Corse jusqu’au début des années 1950 alors que les derniers couples français nichaient sur les étangs de la côte est de l’île. Il a fini par s’éteindre définitivement moins d’une décennie plus tard. La découverte en Moselle (Grand-Est) en 2011 du premier couple reproducteur de Pygargue à queue blanche depuis sa disparition atteste du retour spontané de l’espèce en France. La population française de pygargue est estimée à 7 couples reproducteurs.

La Cigogne noire (Ciconia nigra, Linnaeus, 1758)

L’espèce est, en France, en danger en tant qu’espèce nicheuse (EN selon l’UICN). Légèrement plus petite que la Cigogne blanche, elle est beaucoup plus discrète et farouche, fréquentant préférentiellement les forêts fermées pour y nidifier et y chercher sa nourriture à proximité de ruisseaux courants et d’étangs. On évalue actuellement la population nicheuse française à une centaine de couples.