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Profiter de la nature et la partager

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Comment concilier activités de loisirs et préservation de la biodiversité ? Quel partage des usages ? « Profiter de la nature » s’apprend-il ? Ces questions ont fait l’objet d’une table-ronde lors de l’Université populaire de la biodiversité samedi 27 novembre à Tours.

Un regain de nature

Avec la fin des périodes de confinement, de plus en plus de Français veulent profiter de la nature, en particulier dans les espaces protégés. « Il y a eu un effet libération » témoigne Pierre Commenville, directeur du Parc national des Ecrins. « Dans les Ecrins, nous avons eu 30 % de visiteurs en plus cette année, et pour le Parc national des Calanques, nous sommes passés d’un million de visiteurs en 2011 à trois millions en 2021 ».
En profitant de la nature, de ses bienfaits et de sa beauté, ces usagers se sentent bien souvent impliqués dans sa préservation. « On a constaté que les activités de loisirs peuvent réellement conduire à l’action » souligne le directeur du Parc.

Des impacts négatifs

Cependant, la pratique d’activités de loisirs dans la nature a également des conséquences négatives sur la biodiversité. Dans les massifs des Alpes du nord, Léna Gruas, docteure à l’Université Savoie Mont-Blanc a étudié les effets de différents sports de plein air (ski de randonnée, trail, raquettes et randonnée) sur plusieurs espèces emblématiques telles que le bouquetin, le chamois ou le tetras lyre. « 80 % des pratiquants ont conscience que ces activités peuvent déranger la faune sauvage, mais ils ne sont que 25 % à se sentir responsables à titre individuel » indique la chercheuse. « Le dérangement de la faune sauvage, ce n’est pas seulement faire fuir un animal, la surfréquentation ou les déchets, y participent également ». Si durant son étude, la docteure n’a pas pu identifier de résultats réels sur les populations, elle explique cependant avoir observé des changements de comportements en fonction de la fréquentation humaine. « En été, les chamois restent éloignés des chemins et l’hiver on a constaté qu’ils parcourent plus de distance lors des jours plus fréquentés par le public ».
Pour éviter le dérangement de la faune sauvage, il est possible de restreindre certains accès en définissant des zones de quiétude pour les animaux. « Ces zones sont moins bien acceptées par la population car aller dans la nature traduit bien souvent une recherche de liberté, mais pour préserver la faune il faut parfois accepter de réduire son plaisir personnel » précise Léna Gruas.

Si ces restrictions permettent d’avoir des effets positifs sur la faune, il ne faut cependant pas « mettre les sites sous cloche » énonce Christophe Lépine, président du Conservatoire d’espaces naturels des Hauts-de-France et président de la Fédération des Conservatoire d’espaces naturels. « Si l’on veut que les citoyens se sentent impliqués, il faut leur faire aimer la nature et pour leur faire aimer, il faut leur faire voir ».
Ainsi, sur les 3 800 sites gérés par les Conservatoires d’espaces naturels, 1 000 sont ouverts au public.

Sensibiliser pour protéger

La sensibilisation des usagers est une condition primordiale au partage de la nature. Pour ce faire, il existe, par exemple, des outils innovants comme Biodiv’sport, coordonné par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Cette application a pour but de diffuser sur les plateformes qui recensent des itinéraires en milieu naturel, des informations concernant la présence de la faune et la flore sauvage. « Ces outils sont importants, car on constate une individualisation des sports de plein air. Les pratiquants préfèrent désormais être seuls et définissent leur itinéraire grâce à leur smartphone. Biodiv’sport permet de sensibiliser aux espèces présentes dans ces endroits et indique les interactions que chaque pratique peut avoir avec ces espèces. » analyse Vincent Licheron, délégué régional de la Ligue pour la protection des oiseaux Centre-Val de Loire.

Mobiliser l’ensemble des acteurs

Ces actions de sensibilisation passent inévitablement par l’implication de l’ensemble des acteurs. « Il faut mettre tout le monde autour de la table : les gestionnaires des espaces protégés, les encadrants de sports de loisir et les pratiquants » ajoute le délégué régional.

Par conséquent, les fédérations qui encadrent la pratique des sports de loisirs sont de plus en plus impliquées dans la préservation de la biodiversité. Par exemple, la fédération de Golf, travaille en partenariat avec le Museum national d’Histoire naturelle depuis 2007 pour protéger la biodiversité sur les parcours de Golf. Ce programme intitulé « Golf pour la biodiversité » repose sur une démarche volontaire des clubs. « Sur 700 golfs en France, 150 ont déjà réalisé un premier inventaire de la biodiversité présente sur leur parcours, et le programme est victime de son succès » éclaire Pascal Grizot, président de l’Alliance des activités des sports et loisirs de nature. « La fédération ne donne pas son agrément pour la création de golf dans des endroits où il faut artificialiser ou qui demanderaient un effort à l’arrosage. » ajoute-t-il.

En conclusion de cette table-ronde, Pierre Dubreuil, Directeur général de l’Office français de la biodiversité a rappelé que si l’accès à la nature est libre et gratuit, il est également réglementé. « Les agents de l’OFB veillent au quotidien à l’application de la loi et pour faire comprendre aux usagers qu’ils ont un impact sur le vivant qui les entoure. »