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Viabilité des populations de lynx boréal en France

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Le Muséum national d’Histoire naturelle et l’Office français de la biodiversité (OFB) ont remis le mercredi 4 décembre 2024 au comité de pilotage du Plan National d’Action Lynx un rapport d’expertise scientifique collective et technique (ESCO) sur la viabilité des populations de lynx boréal (Lynx lynx) en France. Produite à la demande du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires dans le cadre du Plan National d’Action (PNA) en faveur du lynx (période 2022-2026), cette expertise repose sur des approches complémentaires en écologie et en sciences humaines et sociales. Elle formule des recommandations pour des actions de conservation de l’espèce en France, et s’accompagne d’une étude opérationnelle sur les conditions de réussite préalables à la décision de recours à une opération de renforcement de population du lynx boréal en France.

Le lynx boréal en France : une espèce fragile

Le lynx boréal est le plus grand félin sauvage présent en Europe continentale. L’espèce est classée « en danger » dans la liste rouge française de l’UICN et est strictement protégée sous les régimes juridiques européens et français. Historiquement, le lynx boréal a progressivement régressé au sein du territoire français depuis la fin du Moyen Âge jusqu’à en disparaître au début du XXème siècle. Son retour sur notre territoire depuis les années 1970 (dans les massifs vosgien, jurassien et alpin) est lié à des programmes de réintroduction en Europe occidentale, directement sur notre territoire mais aussi en Suisse et Allemagne et qui ont conduit à une recolonisation. La viabilité des populations de lynx boréal en France reste fragile, avec des freins à leur développement sur le territoire. L’espèce fait l’objet d’un Plan National d’Action, à l’appui duquel le Muséum et l’OFB ont produit cette expertise.

Une expertise scientifique collective à l’approche interdisciplinaire

L’ESCO commandée par l’État au Muséum et à l’OFB a été menée pendant 18 mois selon une approche interdisciplinaire. Un panel pluridisciplinaire de quinze scientifiques français et suisses a conduit ces travaux avec l’appui scientifique et technique des équipes des deux établissements. C’est la première fois en France qu’une expertise scientifique collective sur la conservation d’une espèce lie étroitement des approches en écologie et en sciences humaines et sociales. Les zones d’habitat favorable ont été identifiées et leurs capacités de charge pour le lynx estimées. Une enquête sociologique auprès d’acteurs de la chasse, d’acteurs de l’élevage, auprès de gestionnaires d’aires protégées, de membres d’association de protection de la nature, d’agents de l’OFB et de l’Office national des forêts (ONF) a été menée afin d’identifier les différentes manières de vivre avec le lynx boréal. Une projection de la dynamique des populations de lynx boréal a été réalisée à l’horizon 2130, suivant les critères internationaux, en envisageant huit scénarios contrastés.

Une évaluation de la viabilité des populations

L’ESCO met en évidence que la conservation du lynx boréal en France se heurte à trois obstacles principaux, entraînant le déclin progressif des effectifs et un fort risque de disparition à l’horizon 2130 en France :

  • La faible connectivité des noyaux de populations
  • Les destructions légales et illégales
  • La faible diversité génétique de la population

Sur ce dernier point, il apparaît extrêmement improbable que la diversité génétique de la population de lynx française puisse bénéficier de l’arrivée spontanée d’individus depuis les Carpates. Faire venir de nouveaux individus de l’extérieur (translocation) constitue la seule solution pour augmenter la variabilité génétique au sein de la métapopulation d’Europe occidentale et de sa partie française.

Des recommandations pour des actions de conservation

L’ESCO formule cinq recommandations afin de minimiser le risque d'extinction de la population de lynx boréal en France :

  1. Adopter une approche socio-écosystémique et de long terme de la viabilité de la population française de lynx boréal, en d’autres termes, tenir compte de l’insertion de l’espèce dans des systèmes dont les aspects écologiques et sociaux sont indissociables et appréhender la situation actuelle de la population dans l’histoire longue de ses relations avec les populations humaines.
  2. Associer différentes stratégies de conservation en améliorant la connectivité des zones d’habitat favorable, en réduisant les destructions légales et illégales et en réalisant des opérations de translocation de conservation*. Les experts insistent sur la nécessité de travailler sur ces trois axes simultanément pour obtenir des résultats significatifs.
  3. Favoriser à la fois la disposition à vivre avec le lynx boréal et la possibilité de le faire par l’amélioration des relations entre et avec les acteurs locaux autour de ces questions, et par le renforcement des moyens d’action de la police de l’environnement.
  4. Développer la coopération internationale. Les populations françaises de lynx boréal font partie d’une métapopulation qui couvre plusieurs pays d’Europe occidentale. Il convient de renforcer le partage de données de suivi de ces populations et de coordonner les actions entreprises dans les différents pays concernés par la conservation de l’espèce.
  5. Combler les lacunes de connaissance pour une meilleure projection de la viabilité de la population de lynx boréal en France.

* Action de faire venir de nouveaux individus de l’extérieur pour améliorer la viabilité des populations.