Dans le cadre du mois dédié à l’Antarctique, l’Office français de la biodiversité (OFB) propose de partir à la découverte de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises, au sud de l’océan Indien.
Les Terres australes françaises sont des sanctuaires de biodiversité préservés, notamment grâce à l’éloignement des activités humaines. Elles abritent un patrimoine naturel exceptionnel.
Pour le protéger, la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises a été créée en 2006. Classée au patrimoine mondial de l'UNESCO en juillet 2019, elle a pour objectif de protéger l'ensemble des territoires terrestres et une partie de l'espace marin des trois districts sub-antarctiques des Terres australes et antarctiques françaises : l'archipel des Crozet, l'archipel des Kerguelen et les îles Saint-Paul et Nouvelle-Amsterdam.
Quels sont les principaux enjeux de biodiversité marine dans la réserve ?
Les Terres australes françaises présentent une richesse et une diversité uniques d’écosystèmes dans l’océan Austral. Ceci s’explique par la présence de larges plateaux continentaux et leur position par rapport aux différents fronts océaniques. Comptant parmi les seules terres émergées du sud de l’océan Indien, les Terres australes françaises représentent un réel oasis pour les espèces marines, dont les oiseaux et mammifères marins qui forment parmi les plus grosses concentrations au monde (plus de 50 millions d’oiseaux issus de 47 espèces dont l’emblématique albatros d’Amsterdam, 2e population au monde d’éléphants de mer, une sous-espèce endémique de Kerguelen, le dauphin de Commerson, etc.) et qui viennent s’alimenter et se reproduire dans les eaux des Australes. Véritables « puits de carbone » permettant de réguler les émissions globales de carbone, ces territoires participent à la bonne santé des océans au niveau planétaire.
Bien que peu fréquentés, ces écosystèmes fragiles doivent néanmoins faire face à un certain nombre de pressions que sont les changements globaux (modification des courants et des fronts marins, changements de salinité ou température, acidification, etc.) ou l’exercice de la pêcherie, qui fait l’objet d’un encadrement strict dans un souci de préservation à long terme des ressources et écosystèmes dans lesquels la pêche se déploie.
L’existence de la réserve naturelle nationale (RNN) des Terres australes françaises depuis 2006, en particulier l’extension de ce dispositif en mer en 2016 sur une superficie atteignant désormais près de 673 000 km2, permet de mieux protéger la biodiversité marine et de contribuer à la viabilité écologique à long terme des systèmes marins.
Quelles sont les priorités et principales réglementations de la réserve en matière de protection et gestion marines sachant que cet espace marin est très peu fréquenté et utilisé par l’Homme ?
Le décret n°2006-1211 modifié portant création puis extension et modification de la réglementation de la réserve naturelle nationale (RNN) des Terres australes françaises compte un certain nombre d’articles qui réglementent les activités en milieu marin. Des dispositions générales concernent l’interdiction de porter, de façon délibérée, atteinte à la faune ou à la flore marines, d’effectuer des prélèvements ou d’introduire, de façon volontaire, de nouvelles espèces. En outre, les zones qui présentent les enjeux écologiques les plus forts ont été placées en « zone de protection renforcée » (ZPR), où toute activité extractive industrielle ou commerciale y sont interdites, ainsi que tout rejet de déchets, y compris les déchets organiques. Ces zones représentent actuellement 20% de la superficie classée en RNN.
L’exercice de la pêcherie est également encadré, d’une part par le décret de la Réserve, qui comprend des articles interdisant certaines pêches ciblées (raies et requins) ou l’utilisation de certains engins de pêche (filet maillant et arts trainants susceptibles d’impacter les fonds marins), et d’autre part par les prescriptions techniques qui sont fixées annuellement par arrêté du préfet, administrateur supérieur, des TAAF, et qui définissent les conditions d’exercice de la pêche : restrictions des zones de pêche dans le temps ou l’espace, spécification d’engins, de matériels et pratiques de pêche, etc. L’adoption de dispositifs d’effarouchement des oiseaux marins (utilisation de rideau de Brickle, obligation du filage de nuit, etc.) consignés dans les prescriptions techniques, a par exemple permis de réduire de plus de 90% les captures accidentelles d’oiseaux en moins de 10 ans.
Comment sont organisés le travail sur le terrain et les conditions d’intervention dans ce milieu extrême ?
Sur chacun des districts, 3 à 4 agents de la Réserve naturelle nationale effectuent chaque année un hivernage de 13 mois, et assurent les suivis long terme des populations d’oiseaux, de la flore et des habitats présents sur les îles. Certains d’entre eux participent également à la lutte contre les mammifères introduits et, sous couvert du chef de district, accompagnent la sensibilisation des usagers aux enjeux de biodiversité de la Réserve.
En mer, l’immensité du territoire et les difficultés d’accès limitent la présence humaine, mais chaque navire de pêche autorisé dispose de personnels embarqués des TAAF (contrôleurs de pêche et plus ponctuellement agents de la Réserve). Leur rôle est non seulement de veiller à l’application et au respect de la règlementation à bord, mais également de déployer un certain nombre de protocoles scientifiques et techniques pour suivre l’évolution des biomasses de populations marines exploitées (en l’occurrence la légine australe pour Crozet et Kerguelen, et la langouste et certains poissons pour Saint-Paul et Amsterdam), ainsi que les pressions exercées par les pêcheries sur les écosystèmes marins (suivi des captures accessoires et accidentelles notamment).