Réduire l'exposition aux risques naturels par la biodiversité

Les innondations

L’inondation est le 1er risque naturel en France en termes de dommages occasionnés, principalement sur les biens et de manière exceptionnelle sur les personnes. Lors des fortes pluies, comme les épisodes cévenols ou la fonte des neiges, ces phénomènes peuvent faire déborder la rivière qui sort de son lit mineur. En plaine, les crues sont lentes et durent plusieurs jours tandis qu’en montagne, les crues sont violentes, destructrices et rapides. 

En France, d’après le Ministère de la Transition écologique, 17 millions d’habitants et 9 millions d’emplois se situent dans des zones inondables par débordement des cours d’eau. Par exemple, dans l’Aude, les 14 et 15 octobre 2018, un épisode méditerranéen intense a provoqué jusqu’à 300 mm de pluie en quelques heures. Le niveau de l’Aude est monté de 50 cm à plus de 7 mètres en 6 heures. L’inondation a causé d’importants dégâts matériels, 15 morts et 99 blessés.

La sècheresse

Une zone est en état de sécheresse lorsqu’elle est confrontée à un manque d’eau assez long et important pour qu’il y ait des impacts sur la flore, la faune et la société. Ce phénomène résulte souvent d’un manque d’eau, de températures élevées et d’une trop grande consommation en eau. Peu de pluie en hiver ou au printemps empêche le bon remplissage des nappes d’eau souterraine qui viennent soutenir le débit des cours d’eau pendant l’été. Aussi, une température élevée entraîne une augmentation de l’évaporation de l’eau disponible et assèche les sols. Entre mai et septembre 2022, deux petits cours d’eau sur cinq étaient asséchés d’après l’Observatoire national de la biodiversité.

La sécheresse accentue les risques d’incendies. Par définition, l’incendie de forêt est un feu couvrant une surface minimale de 0,5 hectare et dont une partie au moins des étages arbustifs et/ou arborés est détruite. Le terme incendie vaut aussi pour les formations de plus petites tailles que sont les maquis, garrigues et landes. Entre 3000 et 4000 feux embrasent les forêts françaises tous les ans. En 2022, 72 000 hectares d’espaces naturels ont été détruits par les flammes, 9 feux sur 10 étant d’origine humaine d’après le Ministère de la transition écologique. Leurs impacts sont de plus en plus destructeurs avec le changement climatique.

Depuis des décennies, la croissance démographique et l’attractivité des villes ont entraîné un étalement urbain important. L’urbanisation s’étend souvent jusque dans les zones à risque, exposant toujours plus de personnes et de biens aux aléas naturels. Les aménagements réalisés sur les cours d’eau comme les rectifications de tracé, la construction de digues ou le manque d’entretien des lits de rivières perturbent leur fonctionnement naturel et peuvent provoquer des débordements destructeurs. L’artificialisation croissante des sols, aux dépens des milieux naturels, rend les sols imperméables, empêchant l’eau de s’infiltrer et favorisant un ruissellement rapide qui aggrave les crues et augmente la vitesse d’écoulement de l’eau. 

Inondations répétées, sécheresses annuelles, baisse de l’enneigement, feux de forêts… Le changement climatique vient amplifier ces risques naturels de pluies torrentielles, de sécheresses prolongées et de vagues de chaleur intenses. Sur les dernières décennies, on peut observer une tendance à l’augmentation de ces phénomènes de pluies intenses. De plus, depuis 1990, une augmentation de 1,7°C en moyenne de la température a été mesurée en France.

Les services écosystémiques de régulation sont l’un des quatre grands types de services rendus par les écosystèmes, avec les services d’approvisionnement, culturels et de soutien. Ces services de régulation permettent de maintenir l’équilibre des systèmes naturels, en régulant le climat, l’eau, la qualité de l’air, les maladies… Dans le cadre des risques naturels, la biodiversité peut réduire les impacts de certains aléas :

• La régulation des inondations : les zones humides, tourbières et ripisylves absorbent l’eau, diminuent l’intensité des crues, les débordements de la rivière en aval et les dégâts qui pourraient y être causés, et les prairies naturelles infiltrent l’eau plus efficacement que sur des surfaces artificialisées.
• La protection contre l’érosion, les coulées de boue et les glissements de terrain : les racines végétales, le bois mort et une grande diversité d’espèces végétales et de hauteur de végétation stabilisent les sols, réduisent le risque d’éboulements et de glissements de terrain. 
• L’atténuation des tempêtes et des tsunamis : les mangroves, récifs coralliens et dunes côtières agissent comme des barrières naturelles contre les tempêtes, cyclones et tsunamis, ils absorbent l’énergie des vagues tandis que les forêts littorales protègent les zones habitées contre les vents violents et la montée des eaux.
• La régulation du climat local : la végétation réduit les îlots de chaleur urbains en fournissant de l’ombre et en évaporant l’eau. Aussi, elle stocke le carbone, participant à la lutte contre le changement climatique, qui lui-même amplifie certains risques naturels.

Avant d’envisager la gestion et la restauration des milieux, la priorité doit être donnée à la protection des écosystèmes et des services qu’ils nous rendent.

Les Solutions fondées sur la nature (SfN) ont été définies par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) comme étant les actions visant à protéger, restaurer ou gérer de manière durable les écosystèmes naturels ou modifiés, pour relever directement les enjeux de société de manière efficace et adaptative tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité. Elles regroupent des techniques de préservation, de gestion durable et de restauration des écosystèmes, utilisant les processus naturels pour répondre aux enjeux environnementaux et sociaux. En France, elles sont intégrées à la Stratégie nationale biodiversité 2030 et au Plan national d’adaptation au changement climatique. Elles s’inscrivent aussi dans le Pacte vert européen, visant la neutralité carbone d’ici 2050. Leur déploiement national s’appuie sur des lois comme Climat et résilience et son objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) à l’horizon 2050, ainsi que sur les documents de planification locale comme les SCoT et PLU(i). Les collectivités locales développent des compétences opérationnelles, notamment en prévention des risques naturels.

Les Solutions fondées sur la Nature jouent un rôle clé dans la prévention des risques naturels. En milieu urbain, la désimperméabilisation et la végétalisation des sols permettent le stockage et l’infiltration des eaux de pluie, réduisant ainsi les risques d’inondations. La protection et la restauration des milieux humides et aquatiques renforcent cette régulation hydrique et contribuent, en période de forte chaleur, à préserver les ressources en eau et à maintenir le débit des rivières. La restauration des forêts participe également à la protection des territoires contre les aléas naturels. Elle favorise la rétention et l’épuration de l’eau, tout en freinant son écoulement en cas de précipitations intenses. Une mosaïque de milieux ouverts et forestiers est par ailleurs efficace pour lutter contre les feux de forêts. Des forêts restaurées sont plus résilientes à la suite d’un événement extrême. En montagne, le reboisement et la gestion des versants dégradés contribue au maintien des sols et lutte ainsi contre les risques gravitaires (éboulements et glissements de terrain). Sur le littoral, la restauration des milieux côtiers (dunes et zones humides, récifs coralliens, mangroves, herbiers, etc.) constitue une barrière naturelle contre l’érosion côtière.

Quelques exemples de restauration :

Dans le Doubs, le cours du Drugeon avait été profondément modifié au XXe siècle, entraînant la disparition de ses méandres naturels. Ces altérations ont provoqué des crues importantes et une baisse marquée du débit en période estivale. Un programme de restauration lancé en 2014 par les collectivités locales a permis de relever la nappe phréatique de 20 à 80 cm et de rafraîchir les eaux, favorisant ainsi le retour de la biodiversité : la population de poissons a été multipliée par cinq dans certaines zones. Au total, 30 km de rivière ont été restaurés. 

Au Cap Lardier, dans le Parc national de Port-Cros, un incendie survenu en juillet 2017 a détruit 500 hectares de forêt. Pour restaurer le massif, les acteurs locaux ont misé sur la régénération naturelle avec des essences locales diversifiées, tout en développant des parcelles expérimentales plantées majoritairement de chênes plutôt que de résineux. Parmi les effets positifs déjà observés : l’installation de nouvelles espèces animales et végétales, et une reprise de la végétation qui limite désormais les risques d’érosion lors des pluies automnales.

Dans le cadre du projet Life ARTISAN, l’Office français de la biodiversité a développé un nouvel outil interactif pour accompagner les acteurs dans la mise en œuvre de Solutions fondées sur la Nature pour l’adaptation au changement climatique. 

Le projet LIFE ARTISAN, piloté par l’Office français de la biodiversité, a été lancé en 2020 pour une durée de 8 ans, jusqu’en 2027. Cofinancé à 60 % par la Commission européenne, il dispose d’un budget total de 16,7 millions d’euros et s’appuie sur un partenariat de 28 bénéficiaires associés. Il contribue directement à la mise en œuvre du Plan national d’adaptation au changement climatique et de la Stratégie nationale biodiversité 2030.

Son objectif est de promouvoir, expérimenter et intégrer les Solutions fondées sur la Nature dans les politiques publiques pour adapter les territoires aux effets du changement climatique, tout en préservant la biodiversité. Il s’appuie pour cela sur plusieurs leviers : 

• Un programme de 10 sites pilotes, en métropole et en Outre-mer, pour démontrer concrètement l’efficacité des SfN dans des contextes variés ;
• Une animation régionale assurée par des coordinateurs chargés de mobiliser les acteurs locaux (collectivités, services de l’État, agences de l’eau, etc.) ;
• Un réseau national structuré autour de groupes thématiques, d’événements (forums et trophées SfN) et de ressources diffusées via le Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique. 

Sur le terrain, nous intervenons directement ou en appui aux acteurs locaux pour intégrer la biodiversité dans la gestion des risques.

Le groupe de travail « Aires protégées et incendies » est en charge du pilotage de la réflexion et du cadrage des actions menées en inter-réseaux sur le sujet. Animé par l’OFB et la fédération des Parcs naturels régionaux de France, il est composé d’une dizaine de tête de réseaux nationales d’aires protégées, de l’ONF et des ministères en charge de l’environnement et de l’agriculture.

En matière de prévention des inondations, les inspecteurs de l’environnement préviennent le risque de perturbation de la bonne dynamique des cours d’eau et des zones humides. Hors période inondation, ils donnent des avis techniques sur des projets de travaux, de construction ou de restauration qui pourraient impacter les milieux aquatiques et la ressource en eau. Ils contrôlent ensuite sur site la bonne réalisation des travaux et aménagements réalisés. En période d’inondation, ils sont sollicités pour évaluer des travaux d’urgence afin de préserver les zones d’expansion des crues et limiter les impacts préjudiciables aux espèces et habitats aquatiques.

L’établissement mène également :

• Des actions de sensibilisation des acteurs locaux ;
• Des actions d’appui technique à la prise en compte des enjeux écologiques dans les documents locaux de planification et d’occupation des sols ;
• Des opérations de contrôle pour s’assurer du bon niveau d’entretien des cours d’eau, sans excès pour ne pas dégrader les milieux naturels et accroitre la vulnérabilité des biens et des personnes ;
• Des enquêtes de police afin de lutter contre les opérations illégales de remblaiement des cours d’eau et des zones humides qui aggravent les effets des crues.

Concernant la sécheresse, la police de l’eau pilote les stratégies de contrôle à mettre en œuvre sur leur périmètre. Elle veille au quotidien au respect des mesures de restrictions (contrôle des prélèvements et du maintien d’un niveau minimum dans les cours d’eau, sensibilisation à la réglementation…) et est habilitée à constater les infractions et à évaluer les dommages subis.

À l’échelle nationale, l’OFB déploie une stratégie d’accompagnement, de coordination et d’innovation pour prévenir les risques naturels en s’appuyant sur les leviers de la biodiversité.

Pour la prévention des inondations à l’échelle nationale, nous sensibilisons sur la gestion durable de bassin versant et la gestion naturelle du risque d’inondation via les centres de ressources Cours d’eau et Zones humides. Nous promouvons les bonnes pratiques de préservation et de restauration en faveur des milieux aquatiques et accompagnons les acteurs des territoires dans la mise en œuvre des mesures naturelles de rétention des eaux. Pour finir, l’établissement développe la recherche, le développement et l’innovation technique.

Concernant la prévention de la sécheresse, nous participons à un dispositif de suivi qui mesure différents paramètres tout au long de l’année. Les agents de l’établissement, en fin de mois, de mai à septembre, vont observer les écoulements des petits cours d’eau dans le cadre de l’Observatoire national des étiages (Onde). Ces observations sont complétées par des campagnes mises en œuvre à leur propre initiative ou sur demande des services de l’Etat. Elles permettent de mieux anticiper la crise et deviennent une aide à la décision pour d’éventuelles restrictions d’usages de l’eau.

De plus, un programme de sciences participatives, « En quête d’eau », porté par l’OFB, vise à améliorer la connaissance des écoulements de nos cours d’eau (fleuves, rivières, ruisseaux) de France métropolitaine.
 

Depuis une dizaine d'années, plusieurs équipes de chercheurs développent des outils de prévisions des débits et des hauteurs de nappe d’eau souterraine avec le soutien de l’OFB et du Ministère de la transition écologique. Deux outils prototypes sont disponibles : la plateforme Aqui-FR produisant des prévisions saisonnières de hauteurs de nappe à trois et six mois, et la plateforme PREMHYCE, produisant des prévisions des débits de dix jours et à trois mois.