Une équipe de chercheurs de plusieurs établissements, dont l'Office français de la biodiversité (OFB), a développé une nouvelle approche de modélisation pour mieux connaître la répartition en mer des poissons migrateurs amphihalins. La méthode appliquée à ces espèces menacées, comme les aloses ou l’anguille européenne, a permis des avancées importantes pour leur gestion en mer.
Les poissons migrateurs amphihalins sont des espèces qui passent une partie de leur cycle de vie en mer et une autre partie en eau douce. Elles sont particulièrement menacées par les pressions exercées par l’activité humaine, telles que les ruissellements agricoles et polluants, la destruction de leur habitat, les obstacles à la migration, la pêche ou encore le changement climatique. Tout au long de leur cycle de vie, elles peuvent rencontrer ces difficultés en se déplaçant entre eau douce et milieu marin.
Cette étude a permis de tester une nouvelle approche de modélisation de la distribution de ces poissons dont on connait peu la phase de vie en mer. En effet, à ce jour, aucun modèle détaillant leur répartition spatiale en mer n’existe. Dans le cadre du projet intitulé « MigrenMer », l’équipe de chercheurs a rassemblé environ 170 000 données de pêches scientifiques et de suivi de pêche professionnelle depuis 60 ans. L’analyse de ces données a dévoilé les zones fréquentées en mer par onze espèces de migrateurs amphihalins (lire l’encadré).
Les chercheurs ont découvert que 55 % des principaux habitats occupés par les poissons migrateurs amphihalins se trouvent dans des aires marines protégées, destinées à protéger ces espèces migratrices. Parmi ces zones protégées, seule la moitié dispose de mesures spécifiques pour protéger les espèces. Par exemple, moins de 30 % de l’habitat principal de l’alose feinte méditerranéenne (Alosa agone), en voie de disparition, est située dans les aires marines protégées (AMP). Mais d’autres espèces comme l'anguille européenne et l'éperlan européen ont environ 70 % de leurs principaux habitats au sein d’AMP, dont seulement 9 % disposent de mesures spécifiques pour protéger l’anguille européenne, actuellement classée « en danger critique d'extinction » selon l’UICN. Enfin, aucune mesure spécifique n’est en place pour protéger l'éperlan européen.
Cette approche de modélisation pourrait être utile pour d'autres espèces marines à occurrences rares (poissons, raies, requins, etc.), et en particulier les espèces menacées qui pourraient bénéficier de mesures de conservation au sein d’aires marines protégées. Le projet « MigrenMer » a été mené par le pôle pour la gestion des migrateurs amphihalins dans leur environnement (MIAME), composé d’experts en poissons migrateurs amphihalins de plusieurs instituts de recherche : l’OFB, INRAE, l'Institut Agro et l’Université de Pau et des Pays de l'Adour (UPPA). Il répond à deux directives européennes, la directive Habitat-faune-flore (DHFF) et la directive cadre stratégie milieu marin (DCSMM), et a bénéficié de financements du pôle MIAME et de la direction de l’eau et de la biodiversité du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
11 espèces inventoriées sur deux façades maritimes
11 poissons migrateurs amphihalins ont été observés : l'anguille européenne, le flet européen, l’éperlan européen et trois espèces d'alose, le mulet porc, le saumon atlantique, la truite de mer, la lamproie marine et fluviatile. Cette étude s’est concentrée sur les eaux de l'Atlantique Est et de la Méditerranée.
Cette approche de modélisation pourrait être étendue à des zones plus vastes dans l’Atlantique Nord-Est et inclure l’analyse de facteurs complémentaires pour caractériser les habitats fonctionnels ou l’impact du réchauffement climatique.
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