En 2020 et 2021, deux cas de confusion entre la Loche d’étang (Misgurnus fossilis), espèce protégée, et des loches dites asiatiques, ont fait l’objet de deux articles dans la revue scientifique BioInvasions Records.
Les deux histoires sont presque similaires, mais l’une se déroule dans le Doubs sur la Lanterne et l’autre vers Strasbourg sur un cours d’eau dégradé.
Dans les deux cas, les poissons ont été capturés dans le cadre de travaux de restauration hydromorphologique et identifiés, dans un premier temps, en tant que Loche d’étang.
Pour confirmer formellement ces identifications, les photos sont envoyées à des experts en ichtyologie de l’OFB. Les résultats sont sans appel : ce ne sont pas des loches d’étang mais des espèces voisines originaires d’Asie. Pour l’espèce pêchée sur la Lanterne, il s’agit d’une Loche dojo (Misgurnus anguillicaudatus) et d’une Loche à grandes écailles (Misgurnus dabryanus) pour l’autre.
Comme la Loche d’étang, ces deux espèces asiatiques vivent enfouies dans le sédiment. Mais elles résistent très bien à des périodes d’assec prolongées, elles supportent des écarts de température importants (0°C à 30°C) et des taux d’oxygène dissous très faibles voire nuls. Elles peuvent également aussi bien consommer des invertébrés aquatiques que des débris de végétaux. Enfin elles ont une maturité sexuelle précoce (1 an). Ces deux espèces ont toutes les caractéristiques pour être considérées comme espèces invasives.
Si la présence de la Loche d’étang dans ces deux cours d’eau aurait été une bonne nouvelle, celle de ses deux « cousines » l’est beaucoup moins. En effet, ces espèces sont beaucoup plus résistantes et s’adaptent beaucoup plus facilement à de nouveaux milieux. Elles sont surtout susceptibles de se reproduire avec la Loche d’étang et de menacer sa survie par croisement entre les deux espèces. Elles sont également potentiellement porteuses de pathogènes (virus, parasites) pouvant infecter aussi bien l’ichtyofaune locale, mais également les amphibiens et les oiseaux ichtyophages.
Pour surveiller cette situation, des suivis ont été mis en place. Sur la Lanterne, les opérations de pêche électrique mises en œuvre n’ont pas permis de déceler d’autres individus. En revanche, sur le cours d’eau à proximité de Strasbourg, une soixantaine d’autres spécimens ont été capturés. De plus, ce cours d’eau se jette dans l’Ill, principale rivière d’Alsace et affluent important du Rhin. Si la population de loches à grandes écailles parvenait à coloniser cette rivière, le risque d’hybridation serait alors très réel.
Quant à la cause de la présence de ces deux espèces, elle n’a pas été formellement identifiée mais l’explication la plus probable est le lâcher d’un ou plusieurs individus via la filière d’aquariophylie.
Comment reconnaître la Loche d’étang ?
Ces trois espèces ont comme point commun un long corps cylindrique avec une nageoire caudale à bord arrondie et la présence de 10 barbillons autour de la bouche. La Loche d’étang se distingue des deux espèces introduites par ses trois bandes longitudinales noires sur ses flancs (la robe est tachetée chez la Loche dojo et peu contrastée chez la Loche à grandes écailles) et par des crêtes adipeuses peu développées (les crêtes adipeuses sont très marquées pour la Loche à grandes écailles).