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Emergence de la ponte de Caouanne de Valras-Plage

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Plage de Valras, 07 septembre 2022, 20 heures 20. Top départ, les tortillons commencent à émerger. Après 51 jours d’incubation, les œufs commencent à éclore. Les tortues caouannes nouveau-nées percent leur coquille d’œuf avec leur « diamant », et progressent en spirale serrée vers la surface, attendant la température idéale pour s’extraire du sable et rejoindre la mer. Il peut s’écouler plusieurs jours avant que toutes sortent du nid.

Après les pontes à Saint-Tropez en 2006, Fréjus en 2016 et 2020, Villeneuve-lès-Maguelone en 2018 et Pinia en 2019, c’est cette fois sur le littoral occidental qu’une tortue caouanne Caretta caretta est venue pondre. Première alerte le 16 juillet 2022, avec une trace encore visible sur la plage de Valras, le 23 juillet un promeneur photographie une tortue marine adulte en mer depuis la jetée voisine, s’agit-il de la femelle nidifiante ? 2ème alerte le 16 aout à Saint-Pierre-la-mer : malheureusement la trace a été effacée, impossible de confirmer qu’une deuxième ponte a été déposée.

Dès la première alerte reçue, les observateurs du Centre d’Etude et de Sauvegarde des Tortues marines de Méditerranée (CESTMed) et du Réseau Tortues Marines de Méditerranée Française (RTMMF) se rendent sur place. Ils préviennent tous les services concernés, activent la liste d’échange téléphonique avec les scientifiques référents. La commune de Valras-Plage met en place des installations pour délimiter le périmètre de surveillance et faciliter le travail des bénévoles (associations Orpellières & Sea Shepherd) et volontaires qui se relaient pour contribuer à la surveillance pilotée par le CESTMed RTMMF, en lien avec l’Office Français de la Biodiversité (OFB), gestionnaire du site Natura 2000 en mer Côte sableuse de l’infralittoral languedocien.

Un protocole bien défini, qui s’appuie les expériences acquises sur les plages de ponte de France et de Méditerranée orientale ainsi que sur la règlementation.

Un guide d’intervention coordonnée par le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et préparé par le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), le RTMMF, l’OFB et leurs partenaires, précise clairement « qui fait quoi ? » : une organisation indispensable pour optimiser l’intervention avec le maximum de professionnalisme, d’efficacité et de discrétion.

En France, toutes les espèces de tortues marines sont protégées par l’arrêté ministériel du 14 octobre 2005. Cela signifie que pour intervenir sur une tortue marine, même en difficulté, il faut être habilité, disposer d’une dérogation délivrée par les autorités compétentes dans le cadre d’un programme scientifique validé par le Conseil National pour la Protection de la Nature.

Compte tenu de la rareté des pontes de tortues marines en France métropolitaine, il s’agit véritablement d’un évènement pour tous les amoureux de la nature, qui proposent leurs services bénévoles pour aider, parcourent des dizaines de km et prévoient de dormir sur place pour être témoins de l’émergence.

Pourtant, laisser faire la nature est parfois le plus indiqué : accompagner sans déranger, observer avec l’œil du scientifique pour comprendre à long terme le phénomène. Les nids déposés en Méditerranée occidentale sont-ils viables, la température du sable est-elle suffisante ? Certaines tortues marines seraient- elles en train de coloniser de nouveaux habitats de ponte ? Est-ce la conséquence d’une augmentation d’effectif, de température de l’eau, de courants plus favorables ?

Après avoir localisé le nid avec précaution, les consignes sont claires pour les observateurs du CESTMed et du RTMMF : sécuriser la zone si nécessaire, s’assurer qu’aucune ombre artificielle ne portera sur le nid, régler et poser avec des sondes-thermomètres, une caméra automatique. Ce kit élaboré et mis à disposition par l’OFB permet de suivre en temps réel les mouvements du nid et constitue une première en France qui a démontré toute son efficacité hier.

Une fois le signal du début de l’éclosion donné, la chaine d’information s’active à nouveau et les agents de la Police municipale et les inspecteurs de l’environnement assure une surveillance de la zone afin que les petites tortues regagnent la mer en toute quiétude.

En Méditerranée française, toutes les interventions sont menées par des observateurs dûment formés et détenteurs de mandats individuels délivrés par le Muséum national d’Histoire naturelle, par subdélégation du Ministère chargé de l’environnement (AM 30 décembre 2020). Le programme scientifique « Observatoire des tortues marines » décrit tous les protocoles qui doivent être appliqués par ces observateurs, correspondants des réseaux d’échouage et d’observation (RTMMF pour la façade méditerranéenne), qu’ils soient bénévoles, professionnels associatifs (centres de soins CESTMed, CRFS, Association Marineland…), ou encore agents institutionnels présents par essence sur le littoral (Office Français de la Biodiversité, Conservatoire du Littoral etc).

Depuis quelques années, on observe des pontes de tortues marines plus régulièrement sur le littoral méditerranéen français, comme dans tout le bassin occidental méditerranéen (Italie, Espagne). Toutefois elles restent à ce jour encore peu fréquentes dans la région, de sorte que leur contribution à la dynamique des populations de la tortue caouanne en Méditerranée ne peut être que faible.

Le CESTMed, qui intervient dans un secteur doté de plages de sable adaptées à la ponte des tortues marines, développe depuis 2018 avec l’appui de la DREAL Occitanie, une campagne de prospection des plages, à la recherche de traces attestant de la simple montée d’une tortue marine, d’une ponte ou encore d’une émergence. L’association est aussi la première en France à avoir testé les chiens renifleurs pour aider à trouver les nids.

Les traces laissées par les tortues marines sur le sable sont assez caractéristiques pour qui sait les lire. Des affiches ont été produites par l’Observatoire des tortues marines pour aider à les identifier et communiquer le numéro de téléphone à appeler en cas d’observation.