Reconnu pour la richesse et l’originalité de son patrimoine naturel, l’archipel néo-calédonien héberge une biodiversité remarquable confrontée à de nombreuses menaces. Au terme d’un état des lieux conduit sur près de 10 ans, 69 espèces de lézards et 643 espèces de plantes se révèlent menacées de disparition. Pour la première fois, des espèces de Nouvelle-Calédonie intègrent la Liste rouge des espèces menacées en France.
Menées par l’association Endemia, ces analyses ont été réalisées dans le cadre de la Liste rouge mondiale des espèces menacées. Elles ont été établies avec la contribution des organisations scientifiques du territoire et grâce aux connaissances et à l’expertise d’un réseau de plus de 100 spécialistes. Ces résultats intègrent désormais la Liste rouge des espèces menacées en France, coordonnée par le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’Office français de la biodiversité (OFB) et le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN).
Marquée par une flore et une faune exceptionnelles, la Nouvelle-Calédonie abrite un grand nombre d’espèces endémiques et figure parmi les points chauds de la biodiversité mondiale. Plus de 75% de la flore et plus de 90% des lézards de l’archipel n’existent nulle part ailleurs au monde. Ces espèces uniques représentent de forts enjeux pour la conservation de la biodiversité et une responsabilité majeure pour la France et la Nouvelle-Calédonie.
L’état des lieux réalisé porte sur une grande partie des lézards (comprenant les geckos et les scinques) et de la flore vasculaire (fougères, orchidées, arbres et autres plantes à fleurs), qui ont fait l’objet d’évaluations progressives menées entre 2014 et 2022. Au total, sur 104 reptiles et 1 624 plantes analysés, 69 espèces de lézards (66 %) et 643 espèces de la flore (40 %) sont menacées et pourraient disparaître si les mesures de conservation et de réduction des menaces n’étaient pas renforcées. Le bilan dressé met en évidence les pressions croissantes qui pèsent sur la biodiversité de l’archipel.
La destruction des habitats naturels par les feux de brousse constitue la principale menace pour la flore et les lézards néo-calédoniens. L’augmentation de la fréquence des feux d’origine humaine, aggravés par les sécheresses, touche directement plus des trois quarts des plantes évaluées comme menacées. L’impact de ces incendies conduit des arbustes de la forêt sèche, comme Codia xerophila, à être classés "En danger critique", ainsi que des lézards comme le Scinque Léopard de Nouvelle-Calédonie, en catégorie "Vulnérable". Plus largement, la récurrence des feux entraîne une simplification des écosystèmes et la régression des surfaces forestières, affectant de nombreuses autres espèces.
Autre cause majeure d’atteinte aux habitats, les activités minières entraînent le défrichement de milieux naturels pour l'accès aux ressources en minerais, en particulier le nickel. Ces activités affectent directement les espèces inféodées aux milieux exploités, provoquant la destruction des plantes, des stocks de graines du sol et des habitats naturels. Parmi les plus touchées, on trouve des espèces comme l’arbuste aux fleurs en clochettes rouges Thiollierea lenormandii et le gecko arboricole nommé Bavayia de Goro, tous deux endémiques du territoire et classés "En danger".
Sur l’ensemble des plantes évaluées, près de la moitié sont menacées par au moins une espèce exotique envahissante. Les cerfs et les cochons introduits exercent en particulier une forte pression en consommant de nombreux végétaux et en dégradant profondément les milieux. La petite fougère Ptisana rolandiprincipis est ainsi proche de l'extinction et classée "En danger critique".
La Fourmi électrique affecte quant à elle la quasi-totalité des espèces de lézards indigènes. A la fois prédatrice directe et compétitrice pour les ressources alimentaires, cette fourmi invasive contribue par exemple au classement du Diérogecko du Sommet Poum en catégorie "En danger critique". Plusieurs espèces de lézards sont aussi les proies directes des chats harets et des rats noirs, comme le Bavayia de Goro classé "En danger".
Plus localement, l'urbanisation, les aménagements touristiques, les aménagements hydrauliques comme les barrages, ou encore la conversion de milieux naturels pour l'agriculture peuvent constituer une menace et une source de destruction des espèces et de leurs habitats.
Pour quelques espèces de lézards charismatiques, une pression de collecte de plus en plus forte est également exercée par des braconniers ou des particuliers intéressés par ces "nouveaux animaux de compagnie" (NAC). Le Mniarogecko jâlu, un grand gecko endémique, fait partie de ces espèces capturées et revendues illégalement au niveau international, alors qu’il est classé "En danger".
Avec des taux d'endémisme parmi les plus élevés au monde, les lézards et la flore de Nouvelle-Calédonie constituent des groupes particulièrement originaux, enrichis par la découverte régulière de nouvelles espèces. Un bon nombre de ces dernières sont même "micro-endémiques", c’est-à-dire qu’elles ne vivent que sur une toute petite partie du territoire et présentent donc une forte fragilité face aux pressions.
Même si certaines espèces bénéficient déjà de mesures de préservation ou de programmes de conservation, les résultats de l’état des lieux montrent que les besoins de protection sont encore grands. Afin de ne pas voir disparaître à l’avenir des espèces remarquables et souvent uniques au monde, le bilan souligne l'importance de mettre en place des actions de conservation ciblées, de renforcer la préservation des milieux naturels et d’accentuer la lutte contre les pressions. Les résultats de la Liste rouge contribuent dès à présent à identifier les priorités et à orienter les stratégies d’action pour assurer la protection de cette biodiversité exceptionnelle.
Qu’est-ce que la Liste rouge des espèces menacées et à quoi sert-elle ?
La Liste rouge des espèces menacées en France est un état des lieux détaillé du niveau de menace pesant sur les espèces de la faune et de la flore à l’échelle du territoire national. Établi selon les critères internationaux de l’UICN, cet inventaire de référence permet de classer les espèces selon leur risque de disparition, de définir les priorités d’action et d’appuyer les politiques et les stratégies de conservation de la nature. Ses résultats sont diffusés dans le cadre de l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN).
Le Comité français de l’UICN et PatriNat (OFB, MNHN, CNRS, IRD) sont les garants de la méthodologie scientifique et de la démarche collégiale utilisées. Réalisée avec de nombreuses organisations partenaires et un vaste réseau d’experts, la Liste rouge nationale constitue un indicateur privilégié pour évaluer et suivre l’état de la biodiversité en métropole et en outre-mer.