Une enquête des inspecteurs de l’environnement de l’Office français de la biodiversité a permis de mettre à jour une pratique de piégeage massif d’oiseaux par un retraité du Var et mettre fin à de très importantes destructions d’espèces protégées.
Le 26 septembre, le tribunal judiciaire de Toulon, a rendu un jugement marquant en condamnant en première instance un retraité habitant du Var à six mois de prison avec sursis et à une amende de 25 000 euros. Le prévenu devra également indemniser à hauteur de 3000 euros chacune des 4 associations (ASPAS, One Voice, LPO et France Nature Environnement PACA) qui s’étaient portées parties civiles. Le retraité était poursuivi pour destruction et vente d’une espèce protégée (rouge-gorge) ainsi que la détention d’armes sans autorisation. Il capturait à l’aide de pièges en fer des milliers de petits oiseaux, majoritairement des rouges-gorges sur la commune varoise de Revest-les-Eaux.
Ce jugement intervient aux termes d’une longue enquête menée par les Inspecteurs de l’environnement de l’Office français de la biodiversité en cosaisine avec la Gendarmerie du Var.
Les inspecteurs avaient été informés par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) des agissements d’une personne qui s’adonnait depuis des années au piégeage de rouges-gorges à l’aide de pièges en fer ronds sur cette commune de l’aire toulonnaise. Les adhérents et sympathisants de la LPO constituent souvent d’importants lanceurs d’alerte pour les atteintes à la biodiversité.
Cette enquête qui a duré plusieurs mois a été menée en étroite collaboration avec les gendarmes du Groupement départemental du Var et sous l’autorité du Parquet de la République près le Tribunal Judiciaire de Toulon. Elle a permis de mettre en évidence un système de piégeage massif d’oiseaux par un particulier pouvant aller jusqu’à plusieurs milliers de spécimens par hiver.
Les enquêteurs ont ainsi découvert, sur les hauteurs de Toulon, plusieurs placettes de piégeage où étaient installés dans les arbres et au sol ces redoutables pièges meurtriers.
Pour les provençaux du Var, des Bouches-du-Rhône et des Alpes-de-Haute-Provence, le braconnage des « rigaous », nom local donné pour les rouges-gorges (Erithacus rubecula), est une pratique malheureusement bien connue des policiers de l’environnement : le rouge-gorge se consomme généralement en brochette de six individus, négociées quelques dizaines d’euros la pièce, principalement pour les fêtes de fin d’année.
Le piégeage n’étant pas sélectif, il est courant de d’autres espèces protégées de passereaux soient également pris au piège.
Sur cette affaire spécifique, les inspecteurs de l’Environnement de l’OFB ont pu constater que le mis en cause arrivait à capturer une vingtaine de rouges-gorges et autres passereaux par jour soit possiblement au moins 5 000 oiseaux par an. Sachant que le prévenu de 78 ans a expliqué au tribunal que c’était son grand père qui lui avait appris à piéger les rouges-gorges, on peut penser que le nombre d’oiseaux tués depuis cette époque est impressionnant.
La très grande majorité des passereaux : rouges-gorges, fauvettes, mésanges, rouges-queues, moineaux, pinsons, etc., sont depuis 1976 des animaux protégés par la loi française et dans un contexte général d'érosion de la biodiversité, le code de l'environnement interdit notamment la destruction mais aussi la capture de ces espèces protégées. La peine encourue pour ce délit est de 3 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende. Toujours selon le code de l'environnement, le braconnier, mais aussi ses clients ainsi que tous les maillons de la filière (transporteurs ou revendeurs), sont passibles de peines d'emprisonnement et d'amendes.
Une hécatombe dans les populations d’oiseaux des villes en France depuis 30 ans
La communauté scientifique, la LPO et d’autres associations de protection de la nature s’accordent pour alerter sur la diminution massive des passereaux. La population des oiseaux des villes et des champs en France a décliné de près de 30 % en trente ans. C’est le constat dressé par le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), l’Office français de la biodiversité (OFB) et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) dans une étude publié en 2021 qui dresse le bilan de trente ans de suivi des oiseaux communs en France.