Des microbes aux mammifères, les sols accueillent près de 60% de la biodiversité terrestre. Ils assurent des fonctions essentielles à la vie qui peuvent être altérées de façon quasi irréversible lorsqu’ils sont artificialisés. L’Office français de la biodiversité contribue aux objectifs nationaux de lutte contre l’artificialisation des sols en intégrant cette thématique dans ses différents programmes et actions.
Comprendre le phénomène et ses impacts
Chaque année, des milliers d’hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers disparaissent sous l’effet de l’urbanisation. Ce processus, appelé artificialisation, altère durablement les fonctions essentielles des sols et menace la biodiversité.
Qu’est-ce que l’artificialisation des sols ?
Définie par la loi Climat et résilience de 2021, l’artificialisation des sols est l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage.
Lorsque des opérations d’aménagement sont réalisées (habitat, activités, commerces, infrastructures, équipements publics…), la structure et la composition des sols sont profondément transformées et dégradées, les habitats naturels sont détruits et fragmentés, les paysages modifiés.
Derrière le terme « artificialisation » se cache un phénomène particulièrement impactant pour la biodiversité qui recouvre différentes acceptions. Le choix a ici été fait de retenir celle issue de la loi Climat et résilience par rapport à la notion internationale de changements d’usage des terres et des mers, c'est-à-dire des changements dans l'utilisation et l'occupation des sols et des ressources liés aux activités humaines (urbanisation, intensivité des pratiques agricoles, installations sous-marines, …).
Destruction d'habitat dans une station de ski des Alpes. Crédit photo : Bertrand Muffat Joly / Office français de la biodiversité
Quelques chiffres en France
- Entre 20 000 et 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers sont consommés chaque année.
- Ce phénomène se poursuit à un rythme 4 fois plus important que celui de l’augmentation de la population.
- Près de 8 500 communes continuent ainsi d’artificialiser leurs sols alors que le nombre de ménages dans ces communes diminue. (source : Observatoire de l’artificialisation des sols).
- Dans l’hexagone, ce phénomène affecte particulièrement les prairies : ces écosystèmes très riches représentent le premier type de milieux détruit par l’artificialisation entre 1990 et 2018 (plus de 55 000 hectares détruits soit plus de 2 fois la superficie de Marseille). (source : Bilan de l’Observatoire national de la biodiversité (ONB - 2021).
Les facteurs de l’artificialisation des sols
Les causes de l’artificialisation des sols sont multiples :
- l’aspiration des ménages à des logements avec davantage de surface et des extérieurs favorise les logements neufs, construits sur des terres jusque-là non bâties. Des logements anciens restent inoccupés car ils sont plus souvent dégradés peu adaptés et trop coûteux à rénover (passoires thermiques par exemple),
- la recherche de plus-value de revente est pratiquée tant par les ménages accédants que par les investisseurs immobiliers,
- la fiscalité favorise la construction de logements neufs,
- l’urbanisme commercial, industriel et logistique multiplie les aménagements de zones étendues en périphérie des villes,
- le coût des opérations de renouvellement urbain, forcément plus complexes et plus longues,
les besoins en terres agricoles pour les exploitants.
Autant d’éléments qui ont jusqu’à présent conduit toute la chaîne des acteurs de l’aménagement à privilégier des modalités fondées sur l’étalement urbain et donc la consommation de nouvelles surfaces foncières.
Les conséquences de l’artificialisation des sols sur l’environnement
- Accélération de la perte de biodiversité : la transformation d’un espace naturel en parking, immeuble... passe généralement par la destruction des habitats et leurs espèces animales et végétales présentes. Lorsqu’ils ne sont pas totalement détruits, ils sont pour beaucoup fortement réduits, ou fragmentés par différentes infrastructures comme des routes. Ces obstacles empêchent les animaux de se déplacer, de se nourrir, de se protéger et de se reproduire.
- Création de pollutions associées : des nuisances sonores, de la pollution lumineuse, de l’air, du sol et de l’eau accompagnent ces travaux et espaces construits, impactant les espèces et milieux restants.
- Réchauffement climatique : ce sont les êtres vivants du sol qui lui permettent d’absorber du carbone. Or, plus un sol est artificialisé et donc dégradé, moins il est capable d’absorber du CO2.
De plus il contribue au phénomène d’îlot de chaleur urbain.
Par ailleurs, L'éloignement de l'habitat des zones d'emplois et de commerce engendre entre autres une hausse des besoins en transports, donc en énergie et pollutions. - Augmentation des risques d’inondation : un sol construit et imperméabilisé n’absorbe pas l’eau de pluie. En cas de fortes intempéries, les phénomènes de ruissellement et d’inondation sont donc amplifiés.
Réduction du potentiel agronomique des sols : la surface foncière disponible pour la production alimentaire de nos territoires diminue.
Des objectifs inscrits dans la loi pour repenser nos aménagements de territoires
Sous l’impulsion du Plan Biodiversité et de la convention citoyenne pour le climat, la loi « Climat et résilience » a fixé des objectifs ambitieux :
- D’ici à 2031, réduire par deux le rythme de l’artificialisation de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici à 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020 ;
- D’ici à 2050, atteindre un équilibre entre les surfaces en cours d’artificialisation et celles en réhabilitation/renaturation, c’est-à-dire un objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN).
À travers les documents de planification territoriale, comme les schémas régionaux, les plans locaux de l'urbanisme et les schémas de cohérence territoriale, l’objectif ZAN dessine une trajectoire qui invite à repenser en profondeur nos manières de construire, d’habiter et de produire dans les territoires. Il s’agit :
- d’exploiter l’immense patrimoine déjà bâti,
- de construire uniquement là où le besoin est réel,
- de rendre ces espaces in fine plus accueillants pour le vivant.
Une des solutions est de réutiliser, voire de réinvestir des secteurs déjà urbanisés (logements vacants, friches industrielles ou commerciales...) et de favoriser la conception et la construction d'opérations un peu plus compactes, des lieux de vie, de travail, de production, optimisés et partagés donnant plus de place aux sols vivants, à l’eau et au végétal.
Dans ce contexte, et selon la Fédération nationale des Scot, une plus grande valeur devrait être accordée aux espaces non bâtis et aux continuités écologiques dans les projets de territoires. (source : Contribution vers de nouveaux modèles d’aménagement).
Des solutions pour limiter l’artificialisation des sols
Limiter l’artificialisation des sols passe par un ensemble d’actions complémentaires : mieux planifier l’aménagement, restaurer les milieux dégradés, renforcer les continuités écologiques ou encore développer la connaissance scientifique. L’OFB accompagne ces démarches pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette et replacer la nature au cœur des territoires.
Les dispositifs de reconnaissance
L’initiative « Territoires engagés pour la nature » vise à faire émerger, reconnaître et valoriser des plans d'actions en faveur de la biodiversité portés par des collectivités locales. Dans ce cadre peuvent être reconnus les dynamiques de sobriété foncière initiées par certaines collectivités.
Le concours Capitale française de la biodiversité peut aussi être l’occasion de valoriser les démarches de limitation de l’artificialisation des sols. C’est le cas de la commune de Muttersholz en Alsace récompensée en 2017 pour sa politique de maîtrise foncière et de restauration de la trame verte et bleue sur son territoire rural.
Aller plus loin
- [Vidéo] Intégrer la nature dans les démarches de planification urbaine (ouverture dans une nouvelle fenêtre)
- [Podcast] Ménager plutôt qu'aménager (ouverture dans une nouvelle fenêtre)
- [Podcast] Limiter l'artificialisation (ouverture dans une nouvelle fenêtre)
- [Podcast] Restaurer ou renaturer les sols (ouverture dans une nouvelle fenêtre)