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Rétablir les continuités écologiques
Aujourd’hui, l’emprise humaine s’étend au détriment de la nature : l’artificialisation des milieux fragmente les habitats, isole les populations d’animaux sauvages et accélère le déclin de nombreuses espèces, tout en augmentant les risques sanitaires. Pourtant, des solutions existent pour restaurer les continuités écologiques : sensibilisation, restauration des milieux, respect de la réglementation, recherche… Autant d’actions auxquelles l’Office français de la biodiversité contribue activement.
Les continuités écologiques, qu'est-ce que c'est ?
Afin d’accomplir leur cycle de vie, les espèces animales et végétales, terrestres et aquatiques, ont besoin de se déplacer pour s’alimenter, se reposer, se reproduire, fuir et repeupler les espaces perturbés par des catastrophes, migrer, adapter leur aire de répartition géographique aux évolutions du climat etc. Pour effectuer ces activités et ces déplacements, les espèces ont donc besoin d’espaces naturels en bon état que l’on appelle les continuités écologiques.
Par exemple, les poissons amphihalins, comme l’anguille européenne (Anguilla anguilla), migrent entre les eaux douces et les eaux salées au cours de son cycle de vie. L’anguille naît en mer des Sargasses, dérive sous forme de larve jusqu’aux côtes européennes, puis remonte les cours d’eau où il grandit pendant plusieurs années avant de repartir jusqu’en mer des Sargasses pour se reproduire. Elle a donc besoin de cours d’eau sans entrave et continus pour survivre.
Un exemple pour la faune terrestre, le cerf élaphe (Cervus elaphus) effectue chaque année des déplacements saisonniers importants entre ses zones de quiétude, d’alimentation et de reproduction. Ces mouvements, qui peuvent couvrir plusieurs dizaines de kilomètres, sont essentiels pour l’accès aux ressources alimentaires et la diversité génétique des populations. Le maintien d’une continuité écologique forestière donc indispensable pour cette espèce.
Photo prise sur la commune de Daubensand (lieu-dit d'Ochsenschollen). Crédit : Philippe Massit / Office français de la biodiversité
Les continuités écologiques ne sont pas seulement relatives au déplacement des espèces. Dans les cours d’eau cela implique aussi les flux de matériaux, les flux d’eau et s’opère aux trois dimensions : longitudinale, latérale et verticale, utiles à la morphologie et à la composition physico-chimique des habitats aquatiques. Elles concernent différents milieux naturels : les milieux ouverts (prairies, landes), les milieux forestiers, les milieux humides (réseaux de mares, marais, tourbières…), les milieux aquatiques (cours d’eau, lacs, mares …) et les milieux littoraux. Elles sont essentielles pour le maintien de la biodiversité, en garantissant la libre circulation des espèces.
Les obstacles aux continuités écologiques et leurs conséquences
Les activités humaines détruisent et fragmentent les habitats naturels et donc les continuités écologiques : ouvrages hydrauliques, urbanisation, agriculture intensive, infrastructures de transports et d’énergie, pollution lumineuse et sonore… En France, la fragmentation des habitats freine ou empêche la libre circulation des espèces et qui modifient les écoulements, le transit sédimentaire et in fine les écosystèmes.
Il ne permet pas la libre circulation des espèces biologiques ;
Il empêche le bon déroulement du transport naturel des sédiments ;
Il interrompt les connexions latérales avec les réservoirs biologiques ;
Il affecte substantiellement l’hydrologie des réservoirs biologiques.
A long terme, ces obstacles ont de lourdes conséquences sur la biodiversité. Dans les cours d’eau, les ouvrages hydrauliques bloquent les sédiments, entraînant l’érosion des berges et la dégradation des milieux. L’eau stagnante, à cause des obstacles, se réchauffe et s’évapore davantage. Les espèces, notamment les poissons migrateurs, peinent à se reproduire, s’alimenter et circuler, menaçant leur survie. Ils ne peuvent pas accéder à leurs habitats vitaux et ceux-ci sont modifiés.
Sur terre, la destruction et la fragmentation des habitats limitent les déplacements des espèces, réduit leur espace vital et accroît la compétition tant entre individus d’une même espèce qu’entre espèces différentes, ainsi que les conflits avec les activités humaines. Certains obstacles non-matériels, comme la lumière et le bruit, désorientent des espèces sensibles telles que les insectes ou les chauves-souris. La fragmentation isole les populations animales d’une même espèce, ce qui les rend plus vulnérables aux aléas (catastrophe naturelle, épidémie) et aux évolutions climatiques locales (température, hygrométrie). Cet isolement limite les échanges génétiques et peut conduire à une consanguinité, fragilisant ainsi les populations. Enfin, les obstacles à la continuité écologique peuvent être une source de mortalité directe, notamment par les collisions sur les routes ou les infrastructures que les animaux tentent de traverser.
Chiffre-clé
430000
kilomètres de cours d'eau parcours notre pays, et l'on y dénombre en moyenne un obstacle tous les 4 kilomètres en 2024.
Observatoire national de la biodiversité
60 %
de la mortalité détectée des Lynx boréaux est due aux collisions routières. Cela constitue la première menace pour l'espèce.
Cerema
Par exemple, le cycle de vie des amphibiens – grenouilles, crapauds, salamandres et tritons – alterne entre milieux terrestres et aquatiques (mares, étangs ou fossés). Cette double dépendance rend ces espèces particulièrement sensibles à la disparition des milieux humides et à la fragmentation des habitats. Une simple route séparant une mare de reproduction de leurs habitats terrestres peut suffire à provoquer des mortalités massives lors des migrations saisonnières, compromettant localement la survie des populations.
La Trame verte et bleue, une politique publique en faveur des continuités écologiques
La Trame verte et bleue (TVB) est une politique publique inscrite dans le code de de l’environnement qui vise à restaurer et remettre en bon état ces continuités écologiques, terrestres (vertes) et aquatiques (bleue). L’objectif est de freiner l’érosion de la biodiversité résultant de l’artificialisation et de la fragmentation des espaces.
Elle s’articule autour des éléments suivants :
ce sont des espaces riches en biodiversité où les individus peuvent réaliser tout ou partie de de leur cycle de vie : reproduction, alimentation, abri.
Ils relient ces réservoirs et facilitent la circulation des espèces. Ces corridors peuvent être linéaires (comme des réseaux de haies) mais aussi ponctuels ou diffus en fonction de la perméabilité des espaces à traverser et des mosaïques d’habitats présentes.
La partie « verte » correspond aux milieux naturels et semi-naturels terrestres, et la composante « bleue » fait référence au réseau aquatique et humide (fleuves, rivières, zones humides, estuaires, plaines alluviales …). La TVB s’intéresse également à d’autres compartiments du vivant ou à d’autres pressions :
La Trame aérienne pour les espèces volantes et les obstacles qui les concerne particulièrement (bâtiments, lignes électriques, éoliennes, aéroports…) ;
La Trame brune pour la faune du sol ;
La Trame noire qui s’intéresse au cycle jour/nuit et vise à préserver les continuités écologiques de la pollution lumineuse ;
La Trame blanche en lien avec la pollution sonore.
La mise en place d’une Trame verte et bleue repose notamment sur les collectivités territoriales, communes ou intercommunalités. Elles ont la responsabilité de mettre en place des actions pour la préserver et la restaurer. En général, la réflexion est menée d’abord dans le cadre des SDAGE, les Schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, puis dans les Plans locaux d’urbanismes (PLU), où le schéma TVB local est élaboré. La spécificité de cette politique est qu’elle se décline également dans les documents d’urbanisme (Schémas de cohérence territoriale et Plans locaux d’urbanisme) qui doivent répondre à des objectifs de préservation et de remise en bon état des continuités écologiques.
Les différents réservoirs de biodiversité et les corridors écologiques sont identifiés et cartographiés, un plan d’actions est parfois réalisé. Ce plan d’actions concret précise les actions à mener sur le terrain sur les espaces à restaurer en priorité au regard de leur importance dans la connectivité des espaces naturels. Les acteurs de sa mise en œuvre sont les collectivités territoriales, l’Etat, les gestionnaires d’espaces naturels, mais également les gestionnaires d’infrastructures avec par exemple la construction de passages à faune sous ou au-dessus des routes, les aménageurs en donnant plus de place à la nature dans leurs projets, les agriculteurs qui peuvent mettre en place des pratiques agroécologiques favorables aux continuités et même les particuliers en agissant sur leur jardin. Régions, agences de l’eau, fonds européens et Etat peuvent financer des actions de restauration des continuités écologiques.
Le plan d'actions pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique
Pour atteindre l’objectif de bon état des cours d’eau fixé par la Directive cadre sur l’eau (DCE), la restauration de la continuité écologique est une condition indispensable. C’est la raison pour laquelle l’Etat a lancé en 2009 un plan de restauration de la continuité écologique des cours d’eau. Il se déclinait en cinq axes :
Mise en place du référentiel national des obstacles à l’écoulement (ROE)
Élaboration d’une stratégie de restauration partagée par l’ensemble des services de l’Etat et des établissements publics concernés
Renforcement des aides pour les actions de restauration de la continuité écologique des cours d’eau
Établissement d’un programme pluriannuel de mise aux normes des ouvrages et d’effacement des ouvrages
Suivi des ouvrages aménagés, y compris effacés.
Ce plan prévoyait l’aménagement ou l’effacement de 1 200 ouvrages transversaux prioritaires en 2012. Toutefois, il s’est heurté à l’opposition de nombreux propriétaires d’ouvrages. Un nouveau « plan d’actions pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique » a vu le jour en 2019 avec pour objectif de mieux prendre en compte l’ensemble des parties prenantes et des politiques publiques :
La protection des espèces et la restauration des milieux aquatiques
Le développement des énergies renouvelables, en particulier l’hydroélectricité
La conservation du patrimoine culturel et paysager
La pratique et le développement des sports et loisirs nautiques
Le développement de la production aquacole
Ce plan se décline en 7 actions et prévoit notamment une priorisation temporelle des ouvrages à traiter.
L'OFB, acteur des continuités écologiques
L'Office français de la biodiversité agit aussi bien localement qu'à l'échelle nationale pour rétablir les continuités écologiques, aquatiques et terrestres
Pour accompagner la politique Trame verte et bleue et pour démultiplier la mise en œuvre d’actions sur le terrain, l’OFB anime le centre de ressources Trame verte et bleue. Il a pour vocation d’animer le réseau des acteurs de la TVB en organisant des moments d’échanges et de produire des outils pour faciliter la mise en œuvre de la TVB tels que des publications scientifiques et techniques ou la synthèse de retours d’expériences menées sur le terrain. Il dispose d’un site internet où l’ensemble de ressources sont disponibles.
Nous pilotons également le Centre de ressources Cours d’eau qui permet de capitaliser, partager et diffuser, des guides, des retours d'expérience sur les solutions techniques et des outils de sensibilisation sur la préservation et la restauration des continuités écologiques.
Afin d'inventorier ces obstacles à l'échelle nationale et d'évaluer les risques d'impacts sur les écosystèmes aquatiques, nous pilotons le référentiel national des obstacles à l'écoulement (ROE). Il rassemble, dans une banque de données unique, les informations consolidées et actualisées sur les ouvrages. Chaque obstacle est identifié par un code unique à l’échelle nationale, un nom et un type d’ouvrage. Il est aussi caractérisé par d’autres informations :
Sur son cycle de vie (en projet, en construction, en exploitation, détruit),
Sur ses relations avec les référentiels administratifs et hydrographiques,
Sur ses caractéristiques techniques (hauteurs, largeurs, cotes, volumes, ...),
Sa localisation géographique,
Sur les intervenants et leurs rôles sur l’ouvrage,
Sur les usages qui en sont faits.
Au 6 novembre 2020, 104 459 obstacles à l'écoulement ont été recensés en France dont 103 219 sur le territoire hexagonal.
Il arrive que certains propriétaires installent des grillages sur tout ou une partie de leur terrain pour en interdire l’accès aux promeneurs et pour y pratiquer la chasse : c’est l’engrillagement. Auparavant, la chasse dans ces enclos était autorisée toute l’année et le gibier pouvait y être retenu captif.
Cette méthode fragmente les habitats et met en péril la continuité écologique et la survie de la faune sauvage. La concentration d’espèces au même endroit fragilise certaines forêts qui ne parviennent plus à se régénérer, et les clôtures empêchent l’accès des secours en cas d’incendie, dont le risque est pourtant plus élevé à cause du dérèglement climatique.
Ce sont pour ces raison que la Loi n°2023 – 54 du 2 février 2023 est mise en place pour limiter l’engrillagement des espaces naturels. La loi impose, entre autres mesures, que les clôtures implantées dans les espaces naturels et à plus de 150m d’une habitation doivent permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages, avec une mise en conformité échelonnée.
Les agents de l’OFB, de la DDT et de la gendarmerie nationale sont habilités à contrôler le respect des règles édictées par cette loi et relever toute infraction, sous l’autorité du préfet du département et du procureur de la République.
Feuilletez le document suivant pour plus d'informations :
En plus de cela, nos agents réalisent des contrôles de conformité des ouvrages hydrauliques et donnent des avis techniques aux services instructeurs de l’Etat sur les dossiers d’autorisation dans le cadre d’obstacles existants et nouveaux dans les cours d’eau. Ils prennent connaissance des ouvrages hydrauliques existants dans leur territoire et évaluent leurs impacts écologiques. Ce diagnostic sert ensuite pour donner leur avis technique sur la solution de restauration proposée par le maître d’ouvrage.
Par ailleurs, les agents de l’OFB sensibilisent le grand public (riverains, propriétaires …) et mobilisent les différents acteurs de l’eau pour entreprendre des actions de restauration de la continuité écologique aquatique, notamment la suppression d’ouvrages abandonnés. Les agents contribuent également à la formation des gestionnaires des milieux aquatiques sur les nouvelles méthodes et protocoles de restauration de ces milieux.
L’OFB peut mobiliser des financements pour des projets en faveur des continuités écologiques. C’est par exemple le cas du jeu de grattage Mission nature qui, en 2020, a financé Tulle Agglo a pour son projet de ferme intercommunale pour promouvoir l'agroécologie et restaurer les milieux naturels, comme les ruisseaux et les zones humides. Située en Corrèze, cette ferme vise à former les futurs agriculteurs et à rétablir les écosystèmes altérés par la mécanisation agricole, la perte de savoirs traditionnels et la dégradation des milieux. Ce projet cherche à augmenter la résilience face aux sécheresses, à réduire le ruissellement et à préserver la biodiversité, en conciliant production agricole et protection de l'environnement.
Au niveau national, nous mettons en œuvre et finançons des programmes de recherche et de développement sur divers aspects de la connaissance, notamment sur le fonctionnement sédimentaire des rivières et sur les comportements de populations piscicoles face à des obstacles. Par exemple le pôle éco-hydraulique de Toulouse met au point des dispositifs de franchissement piscicole.
Le programme de recherche ITTECOP (Infrastructures, Transports, Territoires, Énergies, Écosystèmes et Paysages), piloté par le Ministère de la Transition écologique, l’OFB, l’ADEME, le CILB et la FRB, soutient la recherche sur les interactions entre infrastructures linéaires et biodiversité. Il vise à mieux comprendre et réduire les impacts écologiques, paysagers et sociaux des infrastructures sur les territoires. Le programme encourage une approche interdisciplinaire et partenariale entre chercheurs, gestionnaires et aménageurs. Ses travaux alimentent les politiques publiques d’aménagement durable et de préservation des continuités écologiques. Depuis 2008, ITTECOP finance des projets de recherche et de démonstration à l’échelle nationale.