Depuis 17 ans, Isabelle Landriau est l’âme de l’Ecole de la mer. L’association basée à La Rochelle fait plus que de l’éducation à l’environnement : elle accompagne le changement de regard sur l’importance de la biodiversité.
Isabelle Landriau est responsable déléguée de l’association Ecole de la mer. « Je dis souvent que je travaille dans une association d’éducation à l’environnement. Je réalise autant de tâches administratives pour faire vivre l’association que d’actions sur le terrain en bottes de caoutchouc », sourit-elle. Elle est arrivée dans l’association il y a 17 ans après un doctorat de biologie marine en Normandie, et un peu de recul. « Je suis normande. J’ai l’impression que quand on vit dans ces espaces littoraux, on est très lié au milieu marin. Après avoir fait ces études, je me suis rendu compte que plutôt que de mesurer les effets de l’action de l’homme sur l’environnement – c’était l’objet de ma thèse de doctorat, qui s’intéressait à l’impact des polluants sur les poissons plats en baie de Seine –, il fallait agir en amont. Pour moi, cela devait passer par l’éducation et la connaissance. »
Ces valeurs, elle les retrouve à l’Ecole de la mer, un acronyme qui signifie Espace de culture océane du littoral et de l’environnement. L’association, créée en 1999 et basée à La Rochelle, est activement présidée par la navigatrice Isabelle Autissier. Elle a pour objet l’information, la pédagogie et la diffusion de la culture scientifique et technique sur les thèmes de la biodiversité marine et des espaces littoraux envers tous les publics.
« Pendant près de 20 ans, j’ai pu voir évoluer le rôle et le message de l’association. Si je caricature, nous étions les gentils animateurs nature pour les enfants. Aujourd’hui, nous sommes des acteurs qui aidons à la mise en œuvre des politiques publiques. Il y a un nouveau regard de certains partenaires et une demande sociale d’éducation à l’environnement, qui s’est confortée d’année en année. Le choc du confinement a permis de remettre en évidence notre lien à l’environnement : on vit dans un écosystème et on en est dépendant. »
En plus de 20 ans, 154 000 enfants ont été sensibilisés. Aujourd’hui, l’association s’adresse pour moitié à un public adulte et pour l’autre aux enfants, notamment par l’intermédiaire des aires marines éducatives (AME), un dispositif national piloté par l’OFB. Ce sont des espaces littoraux gérés par des primaires et collégiens dans le cadre scolaire. « Cela nous permet de travailler avec eux sur le temps long, d’évaluer leurs savoirs et de mesurer s’ils ont bien compris les enjeux. Plus largement, ces AME touchent directement à leur milieu de vie. Ils le connaissent, se l’approprient. Ce n’est plus un voisin lointain. »
Ces projets se mènent sur le long terme : le flambeau est passé d’une année à l’autre entre les classes, le suivi se poursuit, d’autres solutions de gestion sont imaginées. « J’ai souvent été surprise de voir ce qu’ils osaient proposer aux adultes », sourit Isabelle Landriau. « Je me souviens d’une classe partie à la rencontre de tous les commerçants du bord de mer pour les interroger sur l’impact de leur activité sur leur aire marine éducative. Les retours ont été très positifs. Les enfants osent aussi interroger des élus sur des sujets assez pointus. Je ne pense pas qu’autant de liberté de parole était donnée à ma génération. » Ces AME permettent aussi aux enfants d’aller plus loin que le simple constat. « On leur demande d’établir un projet de gestion, d’imaginer ce que l’on peut mettre en place pour que les comportements changent. Ils jouent un rôle. Et ils s’impliquent incroyablement ».
L’action de l’Ecole de la mer a pu être renforcée grâce au partenariat établi avec le Parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis. « Nous avons créé un collectif d’associations qui agit au sein du parc. Cela nous permet d’échanger, de construire, de mutualiser des moyens. De façon collective, cela nous permet d’être plus efficients, de monter en compétences. » Isabelle Landriau va continuer à creuser son sillon sur l’estran. Quand on lui demande où elle sera dans dix ans, elle répond : « Toujours en bord de mer », avant de regarder vers le large. « On ne voit jamais deux fois la même chose pendant une sortie. On découvre une espèce bien cachée, pas vue depuis longtemps, une ponte, de toutes petites choses qui sont l’objet d’émerveillement. La biodiversité juste à côté de nos lieux de vie est riche et importante et parfois, on ne la voit plus. Il faut réapprendre à regarder. »
Cet interview est extraite de l'Aire marine 52, la lettre d'information de l’Office français de la biodiversité consacrée au milieu marin.
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