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Cohabiter avec la biodiversité

Mobilisation
Sensibilisation

Comment continuer à construire tout en consommant moins d’espaces ? Comment rendre la ville agréable et accueillante pour la biodiversité ? Ces questions ont fait l’objet d’une table-ronde lors de l’Université populaire de la biodiversité dimanche 28 novembre à Tours.

"La première problématique qui se pose à propos du logement et de la préservation de la biodiversité, c'est l’artificialisation des sols" introduit Luc Abbadie, professeur d’écologie à la Sorbonne Université. Cette artificialisation entraîne plusieurs conséquences :

  • la perte des habitats naturels ;
  • la fragmentation des territoires, qui isole ces habitats et empêche la mobilité des espèces.

Avec l’expansion urbaine, un département disparaît tous les 7 à 10 ans.

Pour une réelle amélioration de la situation, les actions en faveur de la biodiversité sont à mener à différentes échelles. Toutes les actions sont importantes : de l’échelle individuelle aux échelles communales, inter-communales, métropolitaines et doivent être facilitées par les politiques publiques au niveau national.

Favoriser le retour de la biodiversité autour de soi

Parce que seulement quelques mètres carrés suffisent à faire revenir une faune et une flore riche et diversifié, chacun peut réserver une place à la nature chez soi : sur son balcon, dans sa cour, dans un coin de jardin… Plus nombreuses seront ces initiatives, plus la biodiversité reviendra en ville.

A Muttersholtz (capitale française de la biodiversité 2017), dans le Bas-Rhin, le maire Patrick Barbier a lancé l’initiative « carré biodiversité », qui invite les habitants du village à réserver un mètre carré de biodiversité dans leur jardin. Pour cela, il suffit de cesser l’emploi de pesticides et laisser cette zone sans aucune intervention à l’exception d’une tonte à l’automne si nécessaire. Voici un écogeste qui ne coûte rien et ne prend pas de temps.

Pour engager les citoyens dans ce genre de démarche, l’association Humanité et biodiversité propose un outil particulier : la création des Oasis nature. Ces Oasis nature peuvent être créées à titre individuel ou au niveau communal. Il en existe actuellement 1400 en France, ce qui représente plus de 600 Ha.

A l’échelle communale ou intercommunale, les Atlas de la biodiversité sont des outils qui sensibilisent et engagent les différentes parties prenantes de la commune : élus, écoles, associations, entreprises, citoyens autour de la réalisation d’un inventaire des milieux et des espèces présents. C’est généralement une des étapes que mettent en place les communes pour devenir ensuite, si elles le souhaitent, « Territoire engagé pour la nature ».

Stopper l’expansion urbaine

La loi "Climat et résilience" du 22 août 2021 fixe l’objectif d’atteindre zéro artificialisation nette des sols d’ici à 2050 avec une division par deux du rythme de l’artificialisation dans les dix prochaines années. Le modèle d’aménagement urbain et les plans locaux d’urbanisme doivent donc s’adapter. Il s’agit d’imaginer un nouveau mode d’habitat individuel qui ne peut plus se construire sur le modèle des lotissements péri-urbains, consommateur à outrance d’espaces naturels.

La demande des citoyens est également forte, affirme Frédéric Bonnet, urbaniste à l’Agence OBRAS. "En ville, ils sont prêts à limiter l’utilisation de la voiture, ce qui permettrait de libérer considérablement les sols au profit d’espaces naturels et de favoriser la continuité écologique. Ils souhaitent par contre bénéficier de logements spacieux, lumineux avec un accès à la nature."

Pour répondre à ces attentes et faire évoluer la conception des logements et des quartiers, il est nécessaire d’avoir un portage politique fort.

Patrick Barbier, maire de Muttersholtz cite l’exemple de l’Allemagne où un type de logement, intermédiaire entre habitat individuel et collectif, avec des espaces de biodiversité, s’est développé. Des parkings à étages permettent également de limiter l’empreinte au sol en faveur d’espaces verts.

Frédéric Bonnet présente le projet de réaménagement des bords de Loire « Pirmil-Les Isles » à Nantes Métropole qui fait de la nature et du paysage le levier du renouvellement du quartier. Avec par exemple :

  • la restauration des berges de Loire qui prend en compte le rythme des marées,
  • l’aménagement d’un parc dont la moitié ne sera pas accessible et uniquement réservés aux animaux.

Il insiste sur la nécessité de changer la façon d’urbaniser, centrée pendant des décennies autour de la voiture : comment circuler ? comment se garer ? Aujourd’hui, pour éviter toute atteinte à l’environnement, la construction de parkings en sous-sols et de nouvelles routes sont à limiter en ville.

Construire neuf un habitat écologique ou transformer une maison existante, quelle action a le moins d’impact sur la biodiversité ?

Les questions de déplacement et de logement sont intimement liées. "S’il s’agit de rénover une maison loin de tout pour une famille qui va utiliser 3 voitures pour circuler, cela sera contre-productif. Mais la règle générale est d’utiliser au maximum ce qui existe", répond Frédéric Bonnet.

En termes de construction, les bons gestes sont d’arrêter de construire en béton, car il n’y a plus suffisamment de ressource en sable et en gravier et de favoriser les matériaux biosourcés (bois, chanvre…) quand cela est possible.

Bouygues Immobilier intervient sur la construction de logement, de bureaux et d’aménagement de quartiers. Depuis 2014, la société s’engage pour la biodiversité dans ses projets au quotidien, via le label « Biodivercity ». Au-delà, elle est reconnue « entreprise engagée pour la nature » car elle a développé un plan d’action en faveur de la biodiversité avec des indicateurs d’évaluation. L’objectif quand cela est possible au niveau du site, est de « faire mieux qu’avant » avec plus d’espace végétalisé qu’à l’origine.

Kathleen Mood, coordinatrice « aménagement du territoire » à l’OFB rappelle l’urgence à agir pour massifier ses bonnes initiatives. Une consultation citoyenne au printemps a démontré que la question des interactions entre habiter les territoires et préserver la biodiversité est reconnue comme une priorité.

C’est un défi pour lequel on peut retenir 3 leviers :

  • améliorer la connaissance : pour agir efficacement, il faut connaître ce qu’on cherche à protéger.
  • préserver ce qui n’a pas été artificialisé : les espaces naturels, agricoles et forestiers.
  • conjuguer les efforts autour du lien entre climat et biodiversité : s’appuyer sur les solutions d’adaptation fondées sur la nature pour accroître la résilience des territoires au changement climatique et mettre la nature au cœur de l’aménagement des villes.