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Erwan Berton, artisan d’une pêche durable

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Milieu marin

Vivre de la mer sans l’épuiser. Mettre en œuvre et promouvoir une pêche artisanale et durable, c’est le quotidien d’Erwan Berton, patron pêcheur en mer et dans l’étang de Leucate.

Erwan Berton est un homme pressé. À 43 ans, le pêcheur de Port Leucate (Aude) est aussi livreur, prud’homme et président du comité interdépartemental des pêches maritimes. Et l’homme est surtout passionné par son environnement. Pêcheur n’est pas son premier métier. « Je travaillais dans une grosse société. On m’a offert des possibilités d’évolution, mais j’ai choisi de rester dans le sud, en Occitanie. Je connaissais le milieu maritime, et suis plus marin que terrien. J’ai fait le choix de travailler à la pêche. »

Mais pas n’importe laquelle. La petite pêche, celle à taille humaine. « Je pense avoir une vision assez éthique de mon travail. Je pars du principe que je dois prélever juste ce qu’il me faut pour vivre. Je ne prélève pas pour augmenter ni ma capacité de pêche ni mon capital », explique-t-il en remettant patiemment un à un des hameçons sur ses lignes. Selon la météo, il part au large ou dans les lagunes, notamment en quête de loups. « En ce moment, je travaille sur la lagune avec un tout petit bateau de 5,60 mètres. Tout se fait à la main, sans machine. Cela nécessite peu de matériel donc génère peu de frais. Le poisson que je pêche me sert à payer mon salaire, pas des machines. »

Ce poisson-là ne va pas partir bien loin pour se vendre puisqu’Erwan Berton a développé un réseau dans sa commune. « Ce poisson, en fait, il crée du lien. Il est vendu à une clientèle de particuliers ou à quelques restaurateurs. C’est très local. Au lieu de faire venir les gens à moi, je le leur apporte le soir. Les coûts et l’impact du transport sont réduits au maximum. » Pendant un long moment, sur son banc, le dos tourné à la mer, Erwan Berton prépare les commandes reçues directement sur son téléphone. Il pèse chaque poisson, le vide, l’emballe et griffonne le plus souvent un simple prénom sur un bout de papier avant de remettre le paquet au froid. Les livraisons sont son dernier travail de la journée.

Recevoir la pêche du jour sur le pas de sa porte. Les gens de Leucate sont vernis. « C’est du poisson qui a six heures, sourit-il. C’est vrai que c’est une clientèle de privilégiés. » Derrière cette logique de travail, se cache une logique économique et éthique : « Ça me permet de vivre en considérant que j’ai un impact raisonné. Quand je sors le matin, que j’ai pêché 10 kg de loups à la ligne, c’est suffisant pour moi, je n’ai pas besoin de plus. C’est ce qui me convient dans cette approche de la pêche. »

Une approche qu’Erwan Berton affiche fièrement sur sa pancarte ou il est fait mention d’une pêche artisanale et durable. « Ces deux mots sont essentiels et quasi indissociables pour moi. La pêche artisanale sera toujours durable à partir du moment où l’on prend conscience que l’on travaille avec une ressource qui n’est pas extensible. Il nous appartient à nous, pêcheurs artisans, d’encadrer au mieux nos pêcheries. C’est à nous de nous prendre en main, notre avenir en dépend. » Cette conception de son activité, il la partage avec d’autres professionnels. « Prud’homme major de Leucate, je fédère les pêcheurs de ma prud’homie autour de cette idée-là. Les jeunes pêcheurs sont très réceptifs, ils y voient du sens. »

Au comité régional des pêches dont il préside la commission des petits métiers, Erwan Berton a travaillé sur un plan de gestion du poulpe, « une espèce emblématique et un gros poids socio-économique pour la filière. C’est la deuxième pêche après le thon rouge pour l’Occitanie. ». Ce premier travail ne restera pas isolé. « J’ai d’autres prud’hommes et responsables professionnels qui me demandent d’aller plus loin, de continuer dans le sens d’une gestion pérenne de la ressource et d’un accès équitable à cette même ressource », justifie le pêcheur.

En collaboration avec le Parc naturel marin du golfe du Lion, les pêcheurs occitans ont pu aller à la rencontre de leurs homologues espagnols. « Nous avons pu échanger avec les Catalans sur leur plan de gestion du poulpe. Ça nous a permis de soulever de nouvelles questions et d’aller plus loin dans nos réflexions. Aujourd’hui, une nouvelle étude est en cours et nous permettra d’affiner nos connaissances afin de gérer au mieux cette ressource. » Pour Erwan Berton, la gestion doit devenir une priorité. « Gérer la ressource, c’est tout sauf une idée farfelue. C’est déjà prendre conscience que s’il n’y a plus de ressource, il n’y a plus de pêcheurs. Il y a la nécessité de mettre en place un cadre, et le parc marin peut nous y aider. Mais en amenant un cadre, il faut aussi apporter quelque chose d’autre. Ça peut être de la connaissance ou du soutien à la profession. Le pêcheur doit pouvoir y trouver son compte. »

Cet interview est extraite de l'Aire marine 53, la lettre d'information de l’Office français de la biodiversité consacrée au milieu marin.

Au sommaire de ce nouveau numéro :

  • La relance en action pour la biodiversité ;
  • Le dossier : Développer l'éolien et préserver la biodiversité ;
  • Erwan Berton, artisan d'une pêche durable

> L'Aire marine 53
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