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Jean-Claude Hodeau, un pêcheur responsable

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Cela fait plus de 70 ans que Jean-Claude Hodeau sillonne les mers. De la Bretagne à la Méditerranée, ce pêcheur plaisancier passionné a su passer de l’époque de l’abondance à celle de la protection de la biodiversité.

Qu’est-ce qui prédestinait un petit Solognot, enfant de la forêt et des étangs, de la chasse au grand gibier et de la pêche en eau douce, à adopter la mer au point de se faire l’un des porte-parole de ses usagers ? Comme bien souvent, c’est une rencontre. Avec un bateau de travail.

Nous sommes au sortir de la Seconde Guerre mondiale. La notion de grandes vacances ne veut encore rien dire et c’est comme mousse qu’il embarque, à 15 ans, pour la pêche à la traîne sous voile sur le cotre Pêcheur II entre Le Pouliguen (Loire-Atlantique) et Noirmoutier (Vendée). « J’ai continué l’année suivante sur un sardinier du Croisic le temps de quelques sorties. C’était la belle époque de l’après-guerre, celle de l’abondance. J’en garde un souvenir d’efforts et de contraintes, c’est tout le travail de la pêche professionnelle que j’ai eu à apprendre. Mais j’étais en pension toute l’année : quand on me lâchait, j’étais content d’être au grand air. »

Tombé amoureux de l’élément, il se lance sur les flots comme plaisancier. « J’ai fait construire plusieurs canots bretons en bois, à Paimpol, pour la pêche plaisance et la navigation entre l’île de Bréhat, le phare des Roches-Douvres et Binic. La navigation, c’est aussi un moyen de rencontrer d’autres marins. Les langoustiers de Pors Even m’ont beaucoup appris. C’est une autre école, après la traîne sous voile », se souvient-il.

L’âge venant, il décide il y a 30 ans, de changer de mer et d’horizon. Il s’installe à Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales). Le Salognot devenu marin et pêcheur plaisancier a toujours été sensible à l’état du milieu. « Je suis expert immobilier de profession. J’ai été lieutenant de louveterie, passionné de la régulation des grands animaux et de leur protection. Je profitais de mes congés pour naviguer et pêcher, ce qui m’a amené vers une nouvelle passion : la pêche des grands poissons ». Il découvre le no-kill, la pratique qui consiste à remettre à l’eau les poissons attrapés à la ligne. « Les joies procurées par cette pêche ont fini de me convaincre de m’engager sur le chemin de la protection et de la sauvegarde de la ressource en Méditerranée », assure-t-il.

Jean-Claude Hodeau est aujourd’hui à la fois président du comité Occitanie et délégué départemental des Pyrénées-Orientales et de l’Aude de la Fédération nationale de la plaisance et des pêches en mer (FNPP). Avec les 2 800 adhérents d’Occitanie, il plaide pour une pêche récréative durable. « Après une étude et un suivi que nous avons réalisés avec les clubs de la fédération sur la côte sableuse, la côte rocheuse et les canyons, nous avons constaté une diminution de près de 40 % de la ressource entre 2012 et 2018. Le constat est sans appel : il est impératif de changer les comportements. La ressource que l’on croyait inépuisable est en train de disparaître du fait de la surpêche, de la pollution et de certaines pratiques de pêche non adaptées à l’époque actuelle. »

Les pêcheurs plaisanciers se sont engagés non seulement pour le respect de la réglementation - respect des tailles minimales, interdiction de vente et limitation des prises à une consommation personnelle - mais aussi pour l’adoption de bonnes pratiques comme l’évitement des zones de frayères.

Dans un contexte de pressions permanentes qui menacent la biodiversité, Jean-Claude Hodeau est même favorable à aller plus loin. « Dans l’intérêt de tous, nous devons mettre en place pour tous les plaisanciers une déclaration de capture. Nous pouvons envisager une telle déclaration pour des espèces en difficulté, comme le loup, la dorade royale ou le pagre, pour les-quelles la pêche de loisir a un impact significatif. C’est d’ailleurs une demande consignée dans la charte établie lors du Grenelle de l’environnement. »

Le parc naturel marin du golfe du Lion va d’ailleurs expérimenter cette déclaration. Pour le représentant des plaisanciers, cette démarche permettra « de dresser une image plus réaliste des prélèvements effectués. Nous pourrons affiner ou corriger les chiffres annoncés par différentes études. Cela nous nous aidera à quantifier le nombre de pêcheurs représentés dans la pêche de plaisance, et donc de faire reconnaître son poids dans l’économie régionale, voire nationale ».

Depuis 2017, Jean-Claude Hodeau s’investit au service de la connaissance du requin bleu, en lançant une manifestation baptisée Open Ailerons, avec l’association Ailerons. Une pêche scientifique et no-kill, où les plaisanciers s’engagent bénévolement dans la recherche sur le requin peau bleue, espèce classée « en danger critique d’extinction » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en Méditerranée. « Au final, la préservation de la ressource est une affaire qui concerne tous les usagers. Je pense que le parc naturel marin peut être l’élément qui rassemble tous les acteurs et usagers pour développer un projet d’action commun visant la sauvegarde, la protection de la ressource, du littoral et de l’espace maritime », conclut-il.

Cette interview est extraite de l'Aire marine 57, la lettre d'information de l’Office français de la biodiversité consacrée au milieu marin.

Au sommaire de ce nouveau numéro :

  • Le voile se lève sur les salmonidés en mer
  • Aires marines protégées: un outil pour gérer la pression pêche
  • Jean-Claude Hodeau, un pêcheur responsable

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