Par leurs activités, les humains détruisent la biodiversité et se privent de ses bienfaits. Ils mettent ainsi en danger leur propre santé. Car la diversité du vivant et le bien-être humain sont liés de multiples façons. Toute évolution de l’une modifie l’autre.
Selon la définition de l’organisation mondiale de la santé, la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.
Un cadre de vie dégradé, où le paysage est triste, uniforme, sans verdure, bruyant et saturé d’air pollué, peut susciter un mal être quotidien, qui engendre des troubles du sommeil et de la concentration, allant jusqu’à l’anxiété, et déclenchant des maladies.
Des causes globales comme la perte de biodiversité, le déclin des richesses naturelles et le changement climatique ont des conséquences sociales et économiques, qui entraînent à leur tour du stress, jusqu’à un sentiment d’insécurité profond, appelé éco-anxiété ou solastalgie.
L’effondrement de la biodiversité menace la production des ressources alimentaires au niveau mondial. Une mauvaise alimentation altère la santé, causant des maladies et des décès prématurés. Dans le monde, plus de 815 millions de personnes souffrent de faim et de malnutrition.
Près du tiers du stock de poissons sauvages est pêché en excès. Certaines espèces n’ont plus la capacité de se reproduire pour maintenir une population viable. (Source FAO)
Un quart des 4 000 espèces sauvages servant à l’alimentation (plantes, poissons, oiseaux, mammifères) est en forte diminution. Mais ce déclin est encore plus grand, car l'état réel de la majorité de ces espèces est inconnu.
Sans les services des organismes sauvages (insectes, vers de terre, champignons et bactéries) la fertilité des sols baisse, la pollinisation des plantes est incomplète, l'eau et l'air sont moins purs, les attaques de parasites et de maladies des plantes, des poissons et du bétail sont plus violentes…
Certaines pratiques agricoles intensives (surpâturage, engrais et de pesticides de synthèse) épuisent les sols.
6 800 sites ou sols pollués, (zones humides, bords de rivières, littoral, bords de routes, etc…) de dimensions variées, sont répertoriés en France comme pouvant présenter un risque pour la santé humaine ou l’environnement.
Ces pollutions proviennent d’activités actuelles ou anciennes, suite à des retombées atmosphériques, à de mauvaises pratiques de stockage, de manutention ou de transport de produits toxiques ou dangereux. (Source : Santé publique France 2019)
Les élevages et les cultures deviennent plus uniformes facilitant la diffusion de maladies, virus et parasites avec des pertes de production énorme.
Sur 30 000 espèces de plantes comestibles connues, 6 000 sont cultivées pour l’alimentation à travers le monde, mais seules trois (maïs, blé, riz) fournissent près de 60% des ressources alimentaires quotidiennes. (Source : FAO)
La production animale mondiale repose sur environ 40 espèces animales, mais une dizaine fournit la majorité de la viande, du lait et des œufs.
Ces aliments produits et transformés industriellement, trop gras, trop salés, trop sucrés, sont une des causes de maladies comme l’obésité, les diabètes, l’hypertension, les maladies cardio-vasculaires.
Une augmentation de 10% d’aliments ultra-transformés (pains industriels, soda, nuggets, gâteaux apéritifs…) souvent d’une qualité nutritionnelle plus faible avec présence d’additifs alimentaires, dans le régime alimentaire s’est révélée être associée à une augmentation de plus de 10% des risques de développer un cancer au global et un cancer du sein en particulier. D’autres recherches doivent encore démontrer le lien de cause à effet. (Source Inserm 2018)
Les humains s’exposent à des maladies quand ils sont au contact d’agents infectieux, portés par des animaux comme les tiques, les singes, les chauves-souris, et aussi les oiseaux. Cette situation se rencontre au fur et à mesure que les humains étendent leurs actions dans des milieux naturels et les détruisent.
Le risque de rencontrer des nouveaux virus s’accroît :
Entre 540 000 et 850 000 virus présents dans la nature pourraient infecter les êtres humains. Mais le fait qu’un agent infectieux passe d’une espèce à une autre et devienne transmissible aux humains est difficile et assez rare. (Source IPBES)
Les trois quarts des nouvelles maladies qui frappent les humains sont des zoonoses. (IPBES oct 2020). Ces maladies transmises par des animaux seraient responsables de plus de 2 milliards de contaminations chaque année. (Source Le magazine de l’INSERM 49-Avril 2021)
La biodiversité, une menace pour la santé humaine ?
Dans la nature, des animaux piquent, mordent ou sont porteurs de microbes qu’ils peuvent transmettre. Des plantes et des champignons causent des allergies, des intoxications. Même si côtoyer des espèces différentes peut présenter des inconvénients, l’effondrement actuel de la biodiversité peut causer des torts bien plus grands à la santé humaine.
La Borréliose de Lyme, ou maladie de Lyme, est une maladie due à une bactérie transmise par une piqûre de tique infectée. Le risque de contamination aux humains est plus grand quand la biodiversité s’effondre, quand les rongeurs qui disséminent les tiques infectées n’ont plus de prédateurs (fouine, renard…), quand des espèces qui peuvent arrêter la transmission de la bactérie disparaissent.
Le virus VIH, à l’origine de l’épidémie de sida, aurait émergé au départ de la consommation de viande de singe dans les forêts d'Afrique centrale. Les scientifiques s’entendent pour dire qu’il serait passé des singes aux humains dans les années 1920, et se serait diffusé lentement, avant de devenir épidémique.
Un autre virus, celui qui cause la fièvre hémorragique Ebola est associé à la manipulation d’animaux sauvages au Gabon et en République du Congo.
Le virus Nipah, en Asie du Sud et du Sud-Est, depuis 1998, cause une fièvre hémorragique virulente, chez les animaux et chez les humains. Ce virus est présent chez des populations de chauves-souris forestières de Malaisie. Quand des forêts ont été détruites pour la culture de palmier à huile, les chauves-souris se sont réfugiées dans les arbres fruitiers sous lesquels étaient élevés les porcs. Le virus contenu dans leurs déjections est passé en s’adaptant aux cochons, puis aux éleveurs.
En Amérique du Sud, la rage transmise par les chauves-souris au bétail et aux humains a été associée à des activités forestières.
Les pandémies, elles, sont amplifiées par la mondialisation et la rapidité des transports de denrées, de marchandises et des voyages humains.
L’émergence de la COVID 19
L’origine de la COVID 19 se trouve vraisemblablement dans un contact avec le virus SARS-CoV-2 ou d’une forme très voisine porté par des animaux sauvages, même si l’espèce d’origine et les modalités de la transmission du virus restent encore inconnues. (Source FRB 2020)
Plus 8 000 milliards de dollars, c’est le coût minimal estimé de la COVID-19, au niveau mondial, seulement entre décembre 2019 et juillet 2020. Des pandémies plus fréquentes, plus mortelles et plus coûteuses sont à prévoir. L’impact économique actuel des pandémies est 100 fois supérieur au coût estimé de leur prévention. (Source IPBES-octobre 2020)
La brucellose est une maladie qui se transmet entre bovins et ovins sauvages et domestiques. En 2012, deux cas ont été découverts chez des humains ayant consommé du fromage frais au lait cru dans le massif du Bargy (Haute-Savoie).
La production laitière de tout un cheptel bovin a alors été détruite. Depuis pour éviter un risque de contagion, 482 bouquetins ont été abattus dans ce massif, sans faire disparaitre la brucellose. Ce n’est qu’en 2021, qu’il a été décidé de tester 50 bouquetins chaque année pour n’éliminer que ceux qui sont positifs à la bactérie (semble-t-il un seul sur cinq !)
Au début des années 2000, les populations de vautours ont chuté au Pakistan. Ces oiseaux, qui se nourrissaient sur le cadavre des vaches, ont été intoxiqués par un anti-inflammatoire donné au bétail, le diclofénac. La disparition des vautours a favorisé les chiens errants qui ont accouru se nourrir sur les carcasses. Mais certains étaient porteurs du virus de la rage et l'auraient transmis aux humains.
Quand le microbiote de la peau, de la bouche, du vagin ou des intestins est déséquilibré, l’organisme devient plus sensible aux agents pathogènes. Les maladies infectieuses et inflammatoires sont plus fréquentes.
Une des causes de l’affaiblissement du microbiote est une alimentation de mauvaise qualité ou déséquilibrée par manque de vitamines et de minéraux.
L’espèce humaine fait partie intégrante de la biodiversité, et ce qui détruit la diversité du vivant a des conséquences sanitaires, contribuant à certaines maladies dites environnementales : cancers, pathologies respiratoires, allergies, asthmes, maladies cardiovasculaires, diabète, obésité, …
Elles sont consécutives à des expositions aux pollutions par des substances chimiques dans l’air, l’eau et l’alimentation, à des déséquilibres nutritionnels ou à une mauvaise hygiène de vie. Bien que non-transmissibles, ces maladies sont en augmentation depuis une quarantaine d’années et prennent une ampleur épidémique.
25 % des décès dans les régions en développement sont attribuées à des causes environnementales, surtout liées à l’insalubrité de l'eau, la pollution de l’air intérieur et le paludisme. Ce taux de décès attribués à l’environnement atteint 17 % dans les régions développées (maladies cardio-vasculaires et cancers). (Source OMS)
La pollution de l’air par les émissions dues aux combustions, à l’amiante, à l’exploitation de mines est responsable d’affections respiratoires chroniques comme l’asthme et les maladies cardio-vasculaires.
48 000 décès prématurés par an en France sont dus aux particules de diamètre inférieur à 2,5 µm (millième de millimètre) dans l’air extérieur (Santé Publique France).
Des substances chimiques auxquelles sont exposées les femmes pendant leur grossesse conditionnent l’état de santé des futurs adultes. Ces molécules (issues de pesticides, d’engrais) sont absorbées via l’eau de boisson et les aliments et certains médicaments. Elles émanent aussi de produits ménagers et cosmétiques, du mobilier, du bâti et des vêtements). En première ligne, des perturbateurs endocriniens comme le bisphénol A issu de certains plastiques à présent interdit dans les biberons.
La durée de vie en bonne santé n’est pas garantie
Le nombre d'années en pleine santé qu'une personne peut s'attendre à vivre à la naissance est passé de 58,5 ans en 2000 à 63,3 ans en 2016 au niveau mondial (Source OMS). Le niveau de santé des populations s’est donc grandement amélioré. Cela ne permet pas de conclure qu’un enfant qui naît maintenant aura la même durée de vie, car il va vivre dans un environnement très différent de celui des générations précédentes :
En France, l’espérance de vie en bonne santé (sans souffrir d’incapacité dans les gestes de la vie quotidienne) n’a pas évolué depuis 10 ans. Elle était en 2016 de 64,1 ans chez les femmes et 62,7 chez les hommes (Source Insee).
Des espèces exotiques introduites et devenues envahissantes sont une des causes de l’effondrement de la biodiversité. Elles ont aussi des conséquences sanitaires, comme causer des allergies ou transmettre des maladies.
Le pollen de l’ambroisie à feuilles d’armoise, originaire d’Amérique du nord, provoque, chaque été, de fortes réactions allergiques, rhinite, conjonctivite, toux, asthme, urticaire…
En Auvergne-Rhône-Alpes, région la plus envahie, 10 % de la population serait touchée, imposant des soins dont le coût est estimé à 40 millions d’euros par an en moyenne. (Source : ORS Auvergne-Rhône-Alpes 2017)
Le moustique tigre, indigène en Asie du sud-est, s’est propagé dans plus de 100 pays grâce aux transports de marchandises.
Quand il est infesté, il peut transmettre aux humains le virus du Chikungunya, de la dengue ou du Zika, Les Outre-mer français, hormis Saint-Pierre et Miquelon, y sont confrontés depuis des décennies. Dans l’Hexagone il a colonisé 51 départements en quelques années.
Quand la biodiversité s’effondre, des espèces végétales, animales, des champignons et des microorganismes s’éteignent à tout jamais, souvent même avant d’avoir été étudiés scientifiquement. Avec leur extinction, les substances qu’ils produisent (venins, tannins aux effets antioxydants et antiparasitaires, antibiotiques naturels) mises au point en plusieurs millions d’années d’évolution, sont perdues.
Ces substances pourraient avoir un intérêt thérapeutique pour la santé humaine et celle des animaux domestiques, actuelle ou future. Plus de 70 % de l’humanité utilisent ces méthodes traditionnelles pour se soigner (Source OMS). Mais ce savoir populaire disparaît quand les populations qui les utilisent se retrouvent éloignées de la nature, quand des espèces disparaissent, quand des milieux naturels sont détruits.
On estime que moins de 1% des plantes connues ont été explorées pour leurs applications et moins de 5 % de ces espèces sont cultivées. Leur extinction est donc une catastrophe.
Elles menacent alors de disparition certaines plantes sauvages, ou la destruction de leur environnement par piétinement.
La gentiane jaune pousse lentement. Son rhizome qui met 25 à 30 ans pour atteindre une masse d’un kilo est arraché pour ses vertus thérapeutiques.
Dans les années 1930, des tests de grossesse utilisaient un batracien, le xénope lisse. Si l’injection de l’urine d’une femme supposée enceinte dans l’ovaire d’une femelle xénope, déclenchait une ponte dans les 24 heures, le test s’avérait positif. Or ce batracien, originaire d’Afrique du sud, importé en masse, puis élevé dans le monde entier pour ces tests, est porteur d’un champignon parasite, reconnu comme une cause majeure de l’extinction des amphibiens autochtones, comme les tritons et salamandres.
Les antibiotiques sont des médicaments administrés pour traiter des infections dues à des bactéries, ou pour augmenter les rendements en élevage. Ils se retrouvent dans certaines rivières, des lacs, voire dans les nappes phréatiques, via les déjections, ou les rejets de médicaments non utilisés dans l’environnement. Même à faible dose, ils perturbent des processus écologiques, tels que la croissance des micro-algues, à la base des chaines alimentaires et contribuent au développement de bactéries résistantes, néfastes pour la santé humaine. L'antibiorésistance est un problème majeur de santé publique. Les infections à bactéries résistantes entraînent 20% de décès supplémentaires à l’hôpital, comparées aux infections à bactéries sensibles aux antibiotiques. (Source Institut Pasteur 2019)