Le projet s’appelle Diagonale 100. Une traversée en paddle de100 km entre Saint-Vaast-la-Hougue et Deauville à travers deux zones Natura 2000. François Asse s’est lancé dans un défi sportif mais aussi citoyen en signant la charte Natura 2000.
Il est 12h30. La chaleur de juin est déjà là. À l’intérieur, dans un coin des vestiaires d’un gymnase de Caen aménagé en salle de sport rudimentaire avec quelques appareils de musculation, François Asse, 44 ans, transpire déjà. À grosses gouttes. Ses préparateurs physiques ne le ménagent pas. Le rythme cardiaque qui s’affiche sur un ordinateur s’affole et flirte avec les 160 pulsations par minute. Il encaisse, grimace et continue. « Et dire que je suis volontaire », lance-t-il pendant les quelques précieuses secondes de repos qui rythment les exercices.
Ces séances, programmées une fois par semaine, sont devenues une routine. Ce matin-là, il s’est levé à 5h pour commencer aussitôt sa journée de travail d’expert en bâtiment puis pouvoir caser sa séance d’entraînement. « Je me suis lancé ce pari de traverser la baie de Seine entre Saint-Vaast-la-Hougue et Deauville en paddle. Ce n’est pas un objectif qu’on peut atteindre sans efforts », sourit-il. Les deux ports sont distants de 100 km. En ajoutant les vents, les courants et la houle, ce sont entre 15 et 18 heures de rame qui attendent ce passionné de la mer au cours de ce défi qu’il a baptisé Diagonale 100.
François Asse a débuté par la planche à voile, il y a un peu plus de 30 ans sous le regard de son père, président du club de voile de sa commune en Normandie. « Je me suis mis au paddle il y a 5 ans. Avec la planche à voile, il y avait la frustration de ne pas pouvoir aller à la mer les jours sans vent. Là, je peux aller à l’eau tout le temps », raconte-t-il en attachant soigneusement sa planche de 4,85 mètres de long sur la galerie de sa voiture. Cet engin de 13 kg, c’est lui qui l’a conçu avec l’aide d’un créateur de planche breton. « Elle est adaptée au plan d’eau, à ma taille. Il faut de la stabilité, du confort et de la glisse. »
La glisse, c’est la sensation qu’il recherche. « Il y a une notion de liberté. En se mettant à l’eau très tôt le matin, il y a une dimension très intense. On évolue seul, presque sans bruit au milieu de la nature. » En arrivant à la plage de Lion-sur-Mer où il s’entraîne, le rituel est bien rodé. Il pose délicatement sa planche sur des tréteaux, met sa combinaison et ses équipements de sécurité dont un bracelet d’alerte de la SNSM, puis s’élance dans l’eau fraîche pour aligner les kilomètres. « Je me suis offert ma première traversée pour mes 40 ans entre Jersey et le Cotentin, un périple de 35 km. C’était un vieux rêve d’enfant: j’avais assisté à l’arrivée à La Baule de Stéphane Peyron en 1987. Il avait fait la traversée NewYork-La Baule en planche à voile. Pour moi, c’était le héros, l’aventurier.»
Son aventure à lui, se déroulera entre la mi-août et la mi-septembre selon les conditions météo. Il s’élancera, suivi par son ami pêcheur professionnel Jean-Marie sur son chalutier de 19 mètres. « Ma liberté, ce sera le jour de la traversée. D’ici là, je ne transige pas avec la sécurité ni les autorisations. » Naviguant à plus de 2 milles de la côte, François Asse a en effet dû aller à la rencontre des services de l’État. « En fait, j’ai reçu de l’aide tout au long de ce projet, ça fait plaisir et j’ai vraiment appris énormément de choses sur la biodiversité et sa préservation. » Il a ainsi signé la charte Natura 2000 des sites qu’il traverse, la baie de Seine occidentale et la baie de Seine orientale.
Les engagements contenus dans la charte portent sur des pratiques de gestion des espaces inclus dans le site, ou des pratiques de loisirs respectueuses des habitats naturels et des espèces. « Cette charte, pour moi, c’est un véritable engagement. C’est une démarche environnementale qui n’est pas anecdotique. Au-delà du projet, c’est une autre approche de la façon de pratiquer qui perdurera bien après la traversée. » Il sait qu’il doit prêter une attention particulière aux mammifères, comme les bandes de grands dauphins qu’il rencontre régulièrement et qu’il tente de photographier, mais aussi aux oiseaux, sternes, goélands, mouettes rieuses, fous de Bassan, cormorans huppés et autres grands cormorans qui peuplent ces zones. « En septembre, il n’y a pas grand risque de dérangement. La période de nidification est passée et les hivernants ne sont pas encore arrivés. »
La charte l’engage aussi à se former, s’informer et informer les autres. « Il y a cette notion de sensibilisation qui est très importante. Je ne sais pas si je me considère comme un ambassadeur, mais j’ai aujourd’hui cette conscience de notre environnement et de ses fragilités.» Ce sera une partie du message qu’il délivrera aux élèves de l’école de Deauville qu’il doit rencontrer. « Aujourd’hui, toutes les informations pour contribuer à préserver l’environnement sont disponibles sur le site de l’OFB. Il suffit de le consulter pour adapter sa pratique qu’on soit plaisancier, pêcheurs ou plongeur. C’est l’affaire de tous. »
Cette interview est extraite de l'Aire marine 56, la lettre d'information de l’Office français de la biodiversité consacrée au milieu marin.
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