L'hydroélectricité constitue une source d'énergie renouvelable (ENR) majeure pour la France. Le potentiel français est déjà bien exploité. Néanmoins, l'optimisation de la production reste possible, et les mesures d'atténuation des incidences perfectibles. Caractériser les impacts, hiérarchiser les enjeux et réduire efficacement les incidences constatées reste un vrai défi. Objectif : concilier hydroélectricité, bon état des eaux et préservation des espèces aquatiques.
Une source d'électricité majeure en France
L'hydroélectricité représente en France la deuxième source d’électricité après le nucléaire, et la première parmi les ENR. Elle constitue une ressource stratégique au regard de ses capacités de production de pointe lors des pics de consommation électrique.
Selon le baromètre 2024 de l'électricité renouvelable en France, la puissance hydroélectrique installée est de 25,957 GW pour environ 2500 centrales. 17% de cette puissance concernent 4 centrales de plus de 700 MW et 58% concernent 95 centrales comprises entre 50 et 600 MW. Plus de 1600 centrales de moins de 1 MW totalisent seulement 1,8% de la puissance installée.
Les objectifs d’augmentation de puissance fixés pour l'Hexagone dans la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) sont faibles par rapport aux autres ENR en raison d'un potentiel hydroélectrique déjà largement exploité (Aubert & Meynier-Millefert, 2019). La planification de cette augmentation de la capacité de production, en considérant les enjeux écologiques à l’échelle des bassins versants, est aujourd’hui primordiale pour faire émerger une véritable conciliation entre les objectifs de développement cadrés par la PPE et les objectifs de bon état écologique des masses d'eaux et de préservation de la biodiversité aquatique.
Turbine Kaplan exposée devant le Musée des techniques de Vienne (Reinraum, CC0 via Wikimedia Commons)
Des équipes de recherche et un centre de ressources mobilisés
Le pôle de recherche et développement en écohydraulique OFB-IMFT-Pprime
Ce pôle associant l'Office français de la biodiversité (OFB) à des hydrauliciens (Institut de mécanique des fluides de Toulouse et institut Pprime) travaille sur des thématiques directement liées à l'hydroélectricité. Les recherches sont centrées sur l'optimisation de solutions pour le franchissement piscicole, la caractérisation du transport sédimentaire en cours d'eau et la détermination des débits biologiques. Ses productions sont disponibles sur le portail Hal.
À venir en 2025 : le nouveau site web de l’Observatoire des énergies renouvelables et de la biodiversité
Les ressources citées ci-dessous émanent de projets soutenus financièrement ou développés par l’OFB. Le site web de l'observatoire permettra de consulter une documentation plus exhaustive en matière de caractérisation des incidences ou de solutions d’atténuation à développer.
Des impacts ponctuels et cumulés à diagnostiquer
Les aménagements hydroélectriques en cours d'eau peuvent engendrer différents impacts sur le fonctionnement écologique de ces milieux, que ce soit en termes :
- d’altération, de dégradation voire de destruction des habitats aquatiques et rivulaires compte tenu de la modification du régime des débits et du transport sédimentaire, et par conséquent de la morphologie des cours d’eau, de la qualité physico-chimique de l'eau, etc.
- de création d'obstacles à la migration par montaison ou dévalaison des espèces aquatiques,
- ou de mortalité des individus.
L'écluse de Gerstheim mise en service début 2019 comporte une centrale hydroélectrique ainsi qu'une passe à poissons (Philippe Massit, OFB)
Les mesures correctives mises en place au cas par cas (passes à poissons, débits minimums biologiques, transparences sédimentaires, etc.) ne peuvent apporter des garanties d’effectivité à 100%. Des impacts résiduels significatifs peuvent perdurer, se cumuler voire se démultiplier en cas de présence d’une succession d'ouvrages sur un même cours d’eau à l’échelle des bassins versants.
Cette synthèse bibliographique récapitule les impacts écologiques des aménagements hydroélectriques :
- Richard S., Sagnes P. et Courret D. (2022) Synthèse des principaux impacts écologiques engendrés par les aménagements hydroélectriques et de leurs conséquences sur le fonctionnement des cours d’eau. OFB, pôle de recherche et développement en écohydraulique. 22 pages.
Au niveau de l'infrastructure : évaluer les risques d'impact pour les poissons
Des méthodes ont été développées pour établir un diagnostic de l'ampleur et de l'intensité de certaines de ces incidences engendrées par les barrages ou centrales hydroélectriques, en vue notamment d'identifier les besoins de réduction d'impacts.
À l'échelle du cours d'eau : évaluer la modification des conditions d’habitats pour la faune aquatique
Certains barrages hydroélectriques fonctionnent par éclusées. Elles modifient alors fortement l'hydrologie des cours d'eau à l'aval, ce qui peut impacter leur fonctionnement (Valentin, 1997).
Un indicateur permet de caractériser le degré d'altération hydrologique dû aux éclusées :
- Courret D., Baran P. et Lariner M. (2021) An indicator to characterize hydrological alteration due to hydropeaking. Journal of Ecohydraulics 6(3) : 1 – 18.
- indicateur Éclusées (Hydropeaking Indicator) (format .xlsm) et sa notice d'utilisation
Barrage hydroélectrique dans la vallée de la Loue en 2024 (Sébastien Lamy, OFB)
Certains barrages, notamment les plus imposants, peuvent significativement impacter le transport des sédiments et donc la "continuité sédimentaire" en cours d'eau.
Une synthèse liste ces impacts et propose une typologie de solutions d'atténuation :
- Braud S. et Alber A. (2013) Synthèses des connaissances & proposition d'une méthode d'évaluation de l'impact des ouvrages transversaux sur la continuité sédimentaire des cours d'eau. Dreal Centre, 76 p.
Différentes solutions : priorité à l'évitement, puis à l’atténuation des impacts
Appui à l’identification des sites écologiquement sensibles
La première solution d’atténuation des risques d’incidences consiste à éviter la construction d'infrastructures au sein ou à proximité de zones écologiquement sensibles, à fort enjeu de conservation (aires protégées, routes migratoires, forêts, zones humides, etc.).
Ainsi, dans le cadre de l’identification des Zones d'accélération des ENR terrestres (2023-2025, ZAENR) prévue à la loi n°2023-175 du 10 mars 2023, l’OFB a rassemblé sur une interface cartographique l’ensemble des zonages environnementaux à prendre en compte. Initialement créée à l’intention des collectivités territoriales, elle peut également accompagner les développeurs dans l’identification des sites écologiquement sensibles à éviter en priorité. Elle permet de visualiser facilement les différents types de zones d'exclusion ou nécessitant au préalable l’avis du gestionnaire.
Tous les détails sont à retrouver dans la partie consacrée au Déploiement territorial sur la page présentant le cadre global lié aux ENR.
Des solutions d'atténuation des incidences à l'efficacité testée
Un référentiel technique socle et des formations
Des préconisations techniques : le site PAT-Biodiv
La plateforme d'Appui technique biodiversité (PAT-Biodiv), accessible à tous, centralise l’état des connaissances scientifiques et techniques sur les impacts potentiels de différents types d’installations, d’ouvrages, de travaux ou d’activités d’origine anthropique sur les milieux naturels. Elle s’appuie pour cela sur la littérature scientifique et technique disponible en France et à l’international, et de nombreux retours d’expériences.
Concernant l’hydroélectricité, les fiches disponibles proposent une synthèse de la réglementation en vigueur, et des recommandations en matière de réalisation des dossiers d’autorisation environnementale : état initial, risques d’impacts, mesures ERC, suivi environnemental.
Des formations
Elles ont pour objectifs de savoir caractériser les impacts et concevoir les solutions d’atténuation en lien avec l'hydroélectricité.
À noter : les liens fonctionnent uniquement lorsque des sessions sont programmées, donc à venir sur le portail formation de l'OFB.
- Conception des dispositifs de franchissement piscicole
- Modèles d'habitat et aide à la détermination des débits minimum
- Connaissance et gestion du transport solide
Avertissement
Ces recommandations n’ont pas de valeur juridique. Elles relèvent de pistes de réflexion qu’il convient d’adapter systématiquement au cas par cas, à l’échelle locale. Par exemple, elles ne se substituent pas à l’état initial et à la caractérisation des enjeux que doivent effectuer les développeurs ou gestionnaires de centrales ou barrages hydroélectriques, lors de l’évaluation de la sensibilité environnementale des sites concernés par leurs projets.