Intégrer le rôle et les atteintes de la biodiversité dans nos décisions individuelles et collectives

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Indispensable à la vie sur Terre, la biodiversité rend aussi de nombreux services à nos sociétés : fourniture d’alimentation et matériaux, régulation du climat et des crues, activités en nature… Pour mieux prendre en compte ces fonctions, et les conséquences de leur dégradation, dans nos décisions, les identifier et utiliser les dispositifs économiques ou réglementaires sont des leviers à mobiliser.

Nous prenons souvent conscience de ces services quand ils disparaissent. 
Au-delà de son utilité, la biodiversité constitue un patrimoine que nous transmettons aux générations futures. Ce patrimoine naturel est aujourd’hui fortement dégradé.
Derrière les principales pressions et facteurs d’érosion, se trouvent des décisions individuelles et collectives (production, consommation, investissement, activités diverses …) qui ne tiennent pas suffisamment compte des impacts sur la biodiversité. 

Deux grands leviers d’action pour encourager individus et organisations

  • Identifier les biens et les services rendus par les écosystèmes et les autres valeurs de la biodiversité (valeurs patrimoniale, écologique, intrinsèque…) peut aider les acteurs à prendre conscience de l’importance de la biodiversité. Ce travail d’identification et de cartographie peut être complété par des évaluations monétaires et des analyses d’aide à la décision.
  • Le recours à divers instruments économiques (tarification, taxes, subvention, labels, nudges …) peut permettre d’inciter les agents économiques à prendre des décisions et adopter des comportements plus favorables à la préservation de la biodiversité. Ils peuvent venir compléter les outils règlementaires et les instruments informationnels ou contractuels mis en œuvre de manière plus volontaires.

Zoom sur : des initiatives opérationnelles au sein des organisations et entreprises

Si le rôle des marchés et des prix est souvent pointé dans nos économies, le rôle des organisations productives et notamment des entreprises n’est pas moins important. Un certain nombre d’actions, d’outils et de dispositifs peuvent être mis en place au sein des organisations pour préserver la biodiversité.

Mettre en valeur le rôle essentiel de la biodiversité pour nos sociétés

Les professionnels de la biodiversité ont parfois des difficultés à convaincre de l’intérêt de préserver ou restaurer certains écosystèmes. Les effets positifs de ces projets ne sont pas toujours tangibles ou appréciés à leur juste valeur par les décideurs et la population. Parfois, ce sont les pressions exercées sur la biodiversité et la dégradation des milieux naturels qui sont mal appréhendées. Identifier les services rendus par les écosystèmes et évaluer les coûts et les bénéfices environnementaux peut aider à sensibiliser ou rationaliser des décisions collectives.

Identifier et évaluer les services rendus, les attachements et les atteintes à la biodiversité

Le concept de services écosystémiques désigne les fonctions écologiques (par exemple, recyclage des nutriments, régulation des débits d’eau…) qui bénéficient aux humains et à la société (par ex. production de nourriture, réduction des risques d’inondation …). Ce concept permet de rendre visible les liens de dépendance et d’attachement des territoires et des groupes humains à la biodiversité. 
Popularisé par l’Evaluation des écosystèmes pour le millénaire (Millennium Ecosystem Assessment, 2005), ce concept est couramment utilisé aujourd’hui. L’Évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE, 2016) précise le concept et le cadre d’évaluation à utiliser en France. À la suite des travaux de l’IPBES (2019), la notion de « contributions de la nature aux populations » est parfois utilisée : elle englobe les services écosystémiques et d’autres dimensions plus symboliques des relations entre les humains et la biodiversité. 

Intégrer la biodiversité dans les analyses socio-économiques d’aide à la décision 

La plupart des décisions importantes (projets d’aménagement ou de restauration écologique, lancement d’un nouveau produit, nouvelles pratiques…) se prennent sur la base d’analyses et de calculs économiques : perspectives de profits futurs, coûts, besoin de financement… Tenir compte des impacts (positifs et/ou négatifs) sur la biodiversité dans ces calculs doit permettre de prendre des décisions plus rationnelles du point de vue de la société. 

C’est toute l’utilité des analyses d’aide à la décision comme l’analyse cout-bénéfice (ACB), l’analyse coût-efficacité (ACE) ou encore l’analyse multicritères (AMC). D’autres types, comme l’analyse de récupération des coûts, s’intéressent aux logiques de financement et permettent de vérifier l’application des principes usager-payeur et pollueur-payeur. 
Elles peuvent être déployées à l’échelle des projets (locaux) ou des échelles plus macroéconomiques (bassins versants, France, Union européenne…). 

À noter : le processus d’analyse est au moins aussi important que le résultat, comme pour les autres types d’évaluations économiques. 

Analyses coûts-bénéfices sur la mise en oeuvre de projets de réutilisation des eaux usées traitées (REUSE). Application à trois cas d’études français - Rapport d'étude. Convention Onema Irstea 2013-2015. 37p.
Ce rapport synthétise les résultats obtenus d’enquêtes et analyses économiques réalisées en 2013 de de trois applications ou projets de REUSE en France : l'ASA de la Limagne Noire (63) qui irrigue des terres agricoles et les golfs de Rhuys-Kerver (56) et Sainte-Maxime (83). Les résultats soulignent les difficultés méthodologiques pour quantifier les bénéfices et les coûts associés. 

Donner envie ou contraindre : règlementations, incitations financières, labels...

Les évaluations et analyses socio-économiques permettent de sensibiliser et réaliser des analyses d’aide à la décision. 

Elles servent aussi à définir et calibrer des instruments économiques dans l’objectif de modifier les comportements en faveur de la préservation de la biodiversité. Il en existe une grande diversité : tarifications, taxes et redevances, subventions, paiements pour services environnementaux, marché d’échange de droits d’émission ou d’utilisation de ressources, …. Tous reposent sur une logique d’incitation financière. 
En cela, ils s’opposent aux instruments règlementaires qui reposent sur des mesures contraignantes, sanctionnées par le droit en cas de non-respect (normes d’émission, normes de qualité des milieux, normes de procédé…). 
Ils se distinguent aussi des instruments informationnels (étiquetage, labels,…) qui, bien qu’ils relèvent d’une même logique incitative, utilisent l’information et la transparence pour modifier les comportements.

En pratique, les instruments économiques et les instruments informationnels comportent souvent une dimension règlementaire et politique dès lors qu’ils sont mis en place par les autorités publiques (taxes et redevances, subventions publiques, certains labels ou informations à divulguer …). 

Les instruments de type règlementaire

Les instruments règlementaires (command and control) renvoient à la règlementation imposée par les pouvoirs publics (lois, décrets, arrêtés etc.) et aux moyens de contrôle associés (sanctions administratives, pénales, civiles…).  L’objectif est de contraindre les individus et les organisations à se conformer à certaines obligations et/ou interdictions. S’ils sont essentiels et peuvent être très efficaces pour préserver la biodiversité, ces instruments ont aussi des limites : coûts de mise en conformité, faible incitation à faire mieux, difficulté d’application etc.

Les instruments économiques 

Les instruments économiques recourent aux incitations économiques et financières pour modifier les comportements des acteurs économiques. L’incitation peut être une désincitation, comme dans le cas d’une taxe environnementale ou une incitation positive (subventions et aides ciblées, paiements pour services environnementaux). 
S’ils offrent davantage de flexibilité aux acteurs, qui peuvent répondre comme ils le souhaitent aux incitations, les effets sur les comportements et la biodiversité dépendent du paramétrage des instruments. 

Ces instruments sont souvent utilisés pour d’autres objectifs que les changements de comportement (collecte de recettes publiques pour les pouvoirs publics) et peuvent dans certains cas accentuer les inégalités socio-économiques.  

Les instruments informationnels et engagements volontaires

Les instruments informationnels visent à influencer les comportements des acteurs (citoyens, entreprises, collectivités…) par l’information, la sensibilisation et la transparence : étiquetage, labels, campagnes de sensibilisation, obligation de reporting, normes et accords volontaires…
De plus en plus utilisé par les entreprises et encouragé par les pouvoirs publics, ces instruments sont souvent moins couteux à mettre en place. Leur efficacité sur les changements de comportement est toutefois variable et suppose la confiance, la lisibilité et la compréhension des enjeux biodiversité par les consommateurs et le public.