Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica)

Une espèce des milieux humides, plus ou moins salés selon la sous-espèce

La Gorgebleue occupe des niches écologiques variées d’une région et d’un morphotype à l’autre. « L’existence d’un grand nombre de zones clairiérées constituées de plages de vase détermine directement la densité d’une population sur les sites d’hivernage. [Elle] habite préférentiellement les zones humides. Elle affectionne les marais littoraux et arrière-littoraux, les estuaires (roselières fluvio-marines), les rives des cours d’eau, les marais intérieurs et les étangs riches en hélophytes et saules » (Cahier d'habitats Natura 2000 - Oiseaux).

• La sous-espèce cyanecula vit dans les milieux humides à marécageux parsemés de buissons bas et entrecoupés de fossés vaseux. Elle est aussi présente dans des prairies humides côtières, dans les roselières en eaux douce et saumâtre ainsi que sur les rives des eaux calmes bordées de saules et de roseaux.
• La sous-espèce namnetum occupe quant à elle les marais salants voire les plaines agricoles. Sur la façade atlantique, elle affectionne les schorres, les prairies humides sous influence marine, les canaux bordés de tamaris et les digues bordant les bassins salants en cours d’exploitation ou abandonnés.

La Gorgebleue colonise le cas échéant des agroécosystèmes. « Cette conquête spatiale à l’intérieur des terres s’est soldée récemment par l’installation de l’espèce dans des habitats plus secs. Le milieu agricole apparaît désormais occupé au moins localement ». (Cahier d'habitats Natura 2000 - Oiseaux)

Sites de reproduction

La femelle niche sur le sol, dans les buissons et broussailles.

• La sous-espèce namnetum occupe « le littoral atlantique, les marais salants abandonnés, et/ou localement exploités, [qui] constituent les habitats optimaux de reproduction, particulièrement ceux dont les talus sont recouverts de Soude vraie (Suaeda vera) ».
• Luscinia svecica cyanecula , « dans le nord, en Alsace, en Rhône-Alpes et dans les basses vallées du Doubs et de la Saône, […] se cantonne dans les phragmitaies et dans les saulaies pionnières des rives des cours d’eau ou le long des bras morts tant que ces ripisylves présentent un sol nu, limoneux ou vaseux, où [cet oiseau] vient s’alimenter. Elle apprécie également les bords des fossés des peupleraies présentant une telle caractéristique ». (Cahier d'habitats Natura 2000 - Oiseaux)

Types d’habitats associés

• Typologie Eunis : C1.3 - Lacs, étangs et mares eutrophes permanents / C2 - Eaux courantes de surface / C3 - Zones littorales des eaux de surface continentales / X01 - Estuaires / X02 - Lagunes littorales salées / X03 - Lagunes côtières saumâtres
• Corinne Biotope : 22.13 - Eaux eutrophes / 53 - Végétation de ceinture des bords des eaux / 13.2 - Estuaires / 21 - Lagunes

Une alimentation principalement insectivore

« Le régime alimentaire de la Gorgebleue se compose essentiellement d’arthropodes généralement de faible taille. En période de reproduction, l’espèce consomme une grande variété de proies constituées en priorité de larves et d’imagos d’insectes (Diptères, Coléoptères, Orthoptères et Lépidoptères), de mollusques et d’araignées qu’elle capture le
plus souvent au sol ou dans la végétation. En période internuptiale, le régime est conditionné par l’abondance et la disponibilité des proies présentes dans les lieux où elle réside. En général, le menu comporte des petits crustacés, des vers marins et des arthropodes terrestres, complété plus rarement en automne de graines et de fruits ». (Cahier d'habitats Natura 2000 - Oiseaux)

Reproduction

« La Gorgebleue à miroir, présentant dix sous-espèces, se reproduit essentiellement dans le paléarctique, de l’Espagne à l’extrême est de la Sibérie ». En France, 2 sous-espèces à miroir blanc sont nicheuses : cyanecula et namnetum. Une 3^e sous-espèce, svecica , « à miroir roux nichant en Scandinavie fréquente également la France, mais uniquement au cours des périodes de migration » (Cahier d'habitats Natura 2000 - Oiseaux).

• Le mâle occupe des perchoirs de chant en période nuptiale.
• Période : d'avril à fin juin, mais principalement fin avril à début juin

Une espèce solitaire et discrète

« La Gorgebleue est un petit passereau solitaire vif et remuant qui passe le plus souvent inaperçu ». Cette espèce solitaire « passe son existence surtout au sol, courant et se faufilant sous la végétation palustre, sortant brièvement à découvert sur les petites plages de vase pour se nourrir, mais toujours prompte à regagner le couvert végétal » (Cahier d'habitats Natura 2000 - Oiseaux).

Le domaine vital d'une espèce solitaire

La Gorgebleue à miroir a un comportement très territorial qui semble varier selon la disponibilité en nourriture de l’habitat. « La surface du territoire varie de 500 m² à plus de deux hectares. La moyenne atteint 4 000 m² » (Cahier). Le domaine vital d’hivernage est quant à lui plus petit avec une moyenne de 700 m² .

Déplacements : une espèce migratrice

« Les migrations s’effectuent de nuit et par étape avec des vitesses de déplacement de 40 à 100 km par jour » (Cahier). Les sous-espèces « cyanecula et namnetum sont des migrateurs réguliers notés en nombre ».

• La migration de nammetum s’effectue sur les bords de l’estuaire de la Loire, de la Gironde, et le long de la côte nord de l’Espagne.
• La sous-espèce cyanecula migre quant à elle sur un large front au travers de l’Espagne.
• La 3^e sous-espèce rencontrée svecica « traverse régulièrement en faible nombre la France ».

Périodes de migration

• Prénuptiale : de mars à mai et principalement en avril
• Vers l'hivernage : de juillet à octobre, mais surtout fin août à septembre

Sons : un imitateur

Son chant est riche et varié et la Gorgebleue est capable d’imiter beaucoup d’autres espèces.

Des distributions différentes entre les 2 sous-espèces

Zones de reproduction

« En France, deux sous-espèces à miroir blanc se reproduisent et présentent une distribution disjointe. La première, namnetum , endémique du littoral français, occupe la façade atlantique du bassin d’Arcachon au Finistère, la seconde, cyanecula, se reproduit surtout dans le nord du pays, l’estuaire de la Seine, plus localement dans l’est et dans les régions Rhône-Alpes et Bourgogne. Suite à la progression récente des deux espèces, la baie du Mont St Michel représente le seul site fréquenté par les deux formes où la reproduction en sympatrie a été prouvée en 1997 ». (Cahier d'habitats Natura 2000 - Oiseaux)

Zones d'hivernage

En France, la Gorgebleue hiverne plus ou moins régulièrement sur le littoral méditerranéen voire sur la côte atlantique. Toutefois l’essentiel des oiseaux hivernent plus au sud, avec des comportements migratoires qui diffèrent selon les sous-espèces. Ainsi la sous-espèce cyanecula hiverne en Afrique de l’Ouest, alors que la sous-espèce namnetum se contente de gagner la péninsule ibérique voire l’Afrique du Nord.

Une espèce dépendante des zones humides

« La principale menace affectant la Gorgebleue concerne la régression constante ou la disparition des zones humides françaises. Les drainages suivis de mises en culture, ainsi que les aménagements de tous types se sont traduits par une réduction des habitats favorables ». (Cahier d'habitats Natura 2000 - Oiseaux)

Statut juridique

• Statuts internationaux : Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS - Convention de Bonn) : Annexe II
• Statut européen : Espèce de faune strictement protégée Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe (Convention de Berne): Annexe II
• Statut communautaire : Annexe I - Directive Oiseaux (Directive 79/409/CEE), prise en compte dans les évaluations des incidences des sites Natura 2000 désignés pour l’espèce (Liste des zones de protection spéciale)
• Statut national : Espèce protégée - Arrêté ministériel du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection (article 3)

Réglementation : précisions

Arrêté du 29 octobre 2009 : article 3

L’arrêté concernant la Gorgebleue à miroir interdit entre autres toute destruction intentionnelle des œufs et des nids, ainsi que la destruction ou la perturbation intentionnelle des oiseaux. La protection de ses habitats (sites de reproduction et aires de repos) interdit toute intervention sur ces milieux particuliers à l'espèce et notamment tout type de travaux susceptibles de les altérer ou de les dégrader. Il est également interdit de détenir, de transporter ou de réaliser toute action commerciale avec des individus prélevés dans le milieu naturel.
Liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire et modalités de leur protection :
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021384277

Directive « Oiseaux » : annexe I

La Gorgebleue à miroir doit être prise en compte dans les évaluations des incidences des sites Natura 2000 désignés pour l’espèce.
Liste des zones de protection spéciale :
http://inpn.mnhn.fr/site/natura2000/listeEspeces/Luscinia+svecica

Méthodes de détection

Les individus sont très reconnaissables, il y a peu de chances de confusion notamment chez les mâles. Ils sont plus facilement repérables au printemps pendant la compétition de chant entre les mâles qui s'exposent sur des perchoirs.

Gestion : à savoir pour tout projet impactant les milieux concernés

• Se renseigner auprès des organismes scientifiques et techniques compétents (établissements publics, associations locales, fédération de pêche, associations naturalistes, bureaux d’études)
• Se rapprocher des services de l'État instructeurs de votre région (services chargés de l'environnement au sein des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DRIEE en Île de France) ou au sein des directions départementales des territoires).

Informations complémentaires

• Ministère de l'écologie, du Développement durable et de l’Énergie, 2012, Guide "espèces protégées, aménagements et infrastructures". 65p.
• Évaluation des incidences sur les sites Natura 2000, Centre de ressources Natura 2000.
• Dietrich J. (2015). Caractérisation par radiopistage des domaines vitaux de la Gorgebleue à miroir blanc de Nantes Luscinia svecica namnetum en roselière. Mémoire de Master, Université de Rennes 1
• Malo E. (2015). Domaines vitaux et territoires de la Gorgebleue à miroir, Luscinia svecica namnetum, dans les schorres de la Pointe d’Arçay (85). Mémoire de Master, Université de Rennes 1
• Rogeon G. & Sordello R. (2012). Synthèse bibliographique sur les traits de vie de la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica (Linnaeus, 1758)) relatifs à ses déplacements et à ses besoins de continuités écologiques. Service du patrimoine naturel du Muséum national d’Histoire naturelle. Paris. 10 pages. (version déc 2013)

Autres espèces protégées possédant des habitats similaires

• Bouscarle de Cetti, Cettia cetti (Temminck, 1820)
• Bruant des roseaux, Emberiza schoeniclus (Linnaeus, 1758)
• Locustelle luscinioides, Locustella luscinioides (Savi, 1824)
• Phragmite des joncs, Acrocephalus schoenobaenus (Linnaeus, 1758)

Bibliographie - références

• Fiche projet – Gorgebleue à miroir - Cahiers d’Habitat « Oiseaux » - MEEDDAT- MNHN
• Correia E. & Neto J.M., 2013. Migration Strategy of White-Spotted Bluethroats (Luscinia svecica cyanecula and L. s. namnetum) Along the Eastern Atlantic Route. Ardeola 60, 245–259.
• Leconte M., Paucot C., Dupuy F., Couzi L., Cardonnel S. & Bulens P., 2012. Study of the Bluethroat (Luscinia svecica namnetum Mayaud, 1934 ; Muscicapidae) population reproductive around the Bassin d’Arcachon (Gironde, 33, France). Bulletin de la Société Linnéenne de Bordeaux 40, 159–173
• Arizaga J., Mendiburu A., Alonso D., Cuadrado J.F., Jauregi J.I. & Sánchez J.M., 2011. A comparison of stopover behaviour of two subspecies of the Bluethroat Luscinia svecica in Northern Iberia during the autumn migration period. Ardeola 58, 251–265.