Le suivi du Lynx, mission d'intérêt public, nécessite de recourir à l’observation de signes de sa présence (les indices), réaliser des analyses pour suivre l'évolution d'indicateurs : la répartition géographique, l'abondance et la densité des populations présentes en France.
Le suivi du lynx est une mission d’intérêt public, tout comme celui du loup et de l’ours qui a été confiée à l’Office français de la biodiversité (OFB) par le ministère en charge de l’écologie. Elle est indépendante des décisions de gestion de l’espèce et de ses impacts sur les activités humaines. Cette mission vise à produire un état des lieux de terrain solide afin d’éclairer le processus de décision en matière de conservation et de gestion de l’espèce.
Les indices de présence lynx
Le suivi des grands prédateurs, tel que le lynx, est particulier dans la mesure où ces espèces sont difficilement observables : elles sont de nature discrète et les individus vivent en faible densité sur de très grands territoires.
Leur suivi nécessite de recourir à l’observation de signes de sa présence (les indices). Pour ce faire, l’Office français de la biodiversité (OFB) anime et participe à un réseau multi-partenarial qui collecte sur le terrain des indices de présence du lynx.
Seuls ses pinceaux auriculaires trahissent ce lyx derrière un monticule de neige (A. Laurent)
Ces indices sont ensuite analysés afin d’obtenir des indicateurs de la répartition et des estimations de densités de la population.
Observations visuelles d'individus
Photo de lynx se roulant obtenue par piégeage photographique, outil de collecte d’indice de présence (OFB)
Les observations directes de lynx sont la plupart du temps rapides, lointaines et avec un animal en mouvement.
La difficulté est de bien identifier les critères de détermination du lynx et de répondre rapidement à 4 questions.
- Quelle est la taille de l’animal ?
- Est-ce que j’ai pu observer des contrastes de teintes de pelage ?
- Ai-je pu observer les oreilles et/ou la queue ?
- Que dire de l'attitude de l'animal ?
Le lynx présente des caractéristiques spécifiques qui permettent de le distinguer assez facilement des autres espèces sauvages. Cependant les confusions sont régulières avec le chat, sauvage ou domestique.
Traces : pistes et empreintes
C’est en hiver sur des sols enneigés que la découverte de traces de lynx est la plus facile : l’alignement de la trace frappent immédiatement.
En effet, la morphologie du lynx lui permet de marcher sur un axe unique, et de poser ses pattes arrières dans les empreintes des pattes avant.
Un examen technique précis est ensuite nécessaire : forme et taille de l’empreinte, mesure de la longueur du pas, etc. Il est généralement réalisé par un correspondant du réseau loup-lynx.
Empreintes de lynx, de forme générale très ronde et présentant une dissymétrie axiale (P-E Briaudet, OFB)
Mesure du pas sur une piste caractéristique de lynx (JY Ployer)
Restes alimentaires : carcasses de proies sauvages
Carcasse de brocard, chevreuil mâle, prédaté par un lynx (réseau Loup-lynx)
La découverte de carcasses de proies sauvages peut constituer l’un des 1rs signes de présence de l’espèce sur un territoire.
En l’absence de dérangement, le lynx se nourrit sur sa proie pendant 3 à 7 jours, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à manger. Il peut recouvrir cette proie pour la dissimuler à la vue d’autres prédateurs, sans que ce soit systématique.
Si la carcasse reste plusieurs jours ainsi, elle sera dégradée par le passage d’animaux charognards (rapaces, renards, corvidés, sangliers). Cela complique souvent le relevé des éléments techniques et l’identification de la cause de la mort.
Méthode
- Si les conditions météorologiques le permettent (neige par exemple) : recherche des traces d’éventuels prédateurs, la présence possible d’indices biologiques (fèces, poils, urine) à proximité.
- Étude des caractéristiques des morsures : localisation, taille et profondeur ; ainsi que du mode de consommation : quantité, localisation, mode.
Cri / feulement / grondement
Cet indice reste difficile à identifier de manière formelle, notamment en raison de la distance à laquelle il est le plus souvent entendu, de sa durée et des conditions météorologiques. De plus, s'ajoute le risque de confusion avec d’autres espèces sauvages du type renard, chevreuil, rapaces.
À noter : en raison de l’absence de critère objectif pour décrire un son, les cris ne sont pas considérés comme des indices de présence exploitables par le Réseau loup-lynx. Ils demeurent cependant des indicateurs d’une possible présence du lynx, qui restera à confirmer via des indices complémentaires.
Indices biologiques : caractéristiques générales
Seuls les excréments et les poils font l’objet d’une analyse spécifique permettant parfois d’identifier l’espèce avec une bonne certitude.
Excréments à tronçons emboîtés, de Lynx boréal (réseau Loup-lynx)
Excréments :
- présence de poils : de la proie ainsi que de lynx issus du léchage,
- pas d’esquille d’os : le lynx ne brise pas les os,
- forme en chapelet « emboîté » caractéristique, semblable aux excréments de chat sauvage mais plus volumineux (différenciation difficile entre les 2 espèces).
À noter : le lynx utilise peu ses fèces pour marquer son territoire, contrairement aux canidés (loup/renard).
Poils de lynx sur une branche, qui seront récoltés pour analyse génétique (S. Gatti, OFB)
Poils :
- plutôt droits et fins, ils ne peuvent être confondus avec des poils d’ongulés (crénelés et plus épais),
- des critères spécifiques relevés sur différentes portions du poil permettent l’analyse au microscope optique.
Ils sont souvent laissés par les lynx lorsque celui-ci marque son territoire en se frottant à certains de ses éléments caractéristiques : troncs coupés en bordure de piste forestière par exemple.
Indices biologiques : l'étude génétique
Les analyses génétiques sur échantillons biologiques sont généralement utilisées afin d'identifier les individus, comme dans le cas du loup. À l’heure actuelle la génétique n’est pas utilisée pour le suivi du lynx, la reconnaissance visuelle est privilégiée. En effet, les marques très spécifiques du pelage chez ce félin permettent de distinguer les individus les uns des autres.
La mise en place d'un programme de recherche sur la génétique du lynx est à l’étude entre l'OFB et nos partenaires suisses. L'objectif est axé plus particulièrement sur les caractéristiques de diversité à l’échelle de la population.
Usage des fiches Indices
- Les fiches indices sont recueillies de façon standardisée par les correspondants du réseau Loup-lynx. Ce sont des personnes volontaires, professionnels ou bénévoles, appartenant à différents horizons socio-professionnels et formées au relevé d’indices. Elles sont transmises à l’animateur régional du réseau, un agent de l’OFB identifié dans chaque région.
- Les fiches sont d’abord analysées afin de vérifier le respect du protocole de collecte des indices, puis évaluées au regard du nombre et de la cohérence des critères relevés.
- Une fois validés, les indices de présence servent à élaborer des indicateurs nationaux (détection de présence) et leur évolution, qui permettent d’évaluer le statut de conservation du lynx.
Les fiches indices du réseau Loup-lynx permettent un suivi standardisé à grande échelle.
Répartition des lynx en France
Objectif : suivre l’évolution de la population de lynx sur le territoire français
Protocole : suivi extensif opportuniste
Le premier degré du suivi du lynx se fait au niveau du territoire national et consiste à relever des indices de présence afin de savoir où l’espèce se trouve. Ce suivi est réalisé par les correspondants du réseau Loup-lynx de manière extensive (sur un territoire très étendu, y compris au-delà du front de colonisation) et opportuniste (les indices sont collectés en continu tout au long de l'année).
La compilation des indices de présence et des constats d’attaques aux troupeaux domestiques sert à établir la carte de détection de présence du lynx. L’unité géographique de restitution est la maille 10km x 10km, standard utilisé au niveau européen.
Comme le lynx est une espèce discrète, afin d’éviter les défauts d’observation, la méthode analyse la récurrence de détection du lynx par périodes biennales successives et chevauchantes d’un an, périodes calées sur le cycle biologique de l’espèce (du 1er avril 2015 au 31 mars 2017 et du 1er avril 2016 au 31 mars 2018 par exemple). La restitution cartographique de l’aire de présence détectée du lynx se fait sous forme de mailles 10x10km classées en présence dite régulière et occasionnelle, sur la base de l’abondance et de la récurrence des indices de présence du lynx.
Eu égard aux faux positifs potentiels qui peuvent fausser les mesures même après validation des professionnels de l’OFB, l'analyse du statut de conservation basée sur la répartition de l’espèce repose uniquement sur l’indicateur de présence régulière.
Abondance et densité
Objectif : connaître les densités locales de lynx
Protocole : suivi intensif localisé
La récolte et l’expertise des indices de présence du lynx est essentielle pour connaître l’aire de répartition et définir les zones de présence mais ne permettent cependant qu’une estimation indirecte approximative de l’abondance absolue d’individus sur une zone donnée. Des modèles mathématiques de capture-recapture permettent ces estimations d’abondance et, par extension de densité, et ce, de manière plus précise.
(S. Gatti et al, 2011)
(S. Gatti et al, 2011)
Ces modèles reposent sur l’identification individuelle des animaux et leur suivi dans le temps. Dans le cas du lynx les marques uniques de pelage des lynx permettent ces identifications individuelles par le biais de piégeage photographique et de photo identification (cf. figures 1 et 2) et in fine l’estimation de l’abondance et des densités locales.
Illustrations extraites de : Sylvain Gatti, Laetitia Blanc, Olivier Gimenez, Eric Marboutin. Session intensive 2011 de piégeage photographique du Lynx (Lynx lynx) en Franche-Comté : estimation de densité sur deux sites de référence. ONCFS CNERA – PAD, Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive - UMR 5175 (2011)
La photo identification à partir du pelage a été choisie comme méthode de référence pour l’identification individuelle des lynx. Cette particularité du pelage est une alternative efficace au profilage individuel par génétique à partir des fèces tel que cela est réalisé pour le loup. La photo identification est relativement simple à mettre en œuvre et peu coûteuse par rapport à l’outil génétique, d’autant que les fèces de lynx restent difficiles à trouver.